Mendicité chez l’enfant : Un fléau à la peau dure

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La mendicité des enfants prend sa source dans les inégalités sociales ou religieuses. Cependant, le législateur béninois proscrit l’incitation à la mendicité des enfants.

«J’ai quitté Hêvié-êgué pour arriver à Cotonou. Une fois à Cotonou, j’ai manqué de soutien, mon patron m’a abandonné. Mes parents aussi et je suis livré à moi-même. Donc pour me faire de l’argent, je viens à Caboma les vendredis, non loin de Zongo (un quartier caractérisé par la présence de commerçants étrangers et l’implantation d’une grande mosquée) pour quémander et aussi aider les gens à charger et à décharger leurs bagages ». Ce témoignage de Tundé, âgé de 15 ans, relayé dans les colonnes de l’hebdomadaire Educ’Action, dans sa parution du mardi 06 février, suffit pour illustrer la persistance du phénomène. Ces conditions ne concernent pas que Tundé. Beaucoup d’enfants comme Tundé font la manche afin de calmer la faim. Ils prennent d’assaut, entre autres, les mosquées, les plages et les restaurants et le marché de Dantokpa à la recherche de la pitance. « De nos jours, nous avons beaucoup de nos enfants qui sont dans la mendicité. Avant, il y avait des parents qui restaient devant les feux tricolores, des carrefours et qui envoyaient les enfants demander de l’argent. Avec la sensibilisation du gouvernement, de la police, ils ont changé de mode d’opération », explique Christophe Dossa, éducateur spécialisé. Les enfants abandonnés ou handicapés ne sont pas les seuls à mendier, le phénomène touche aussi les apprenants (écoliers et élèves). Ces derniers, prétextant de la situation d’indigence de leurs parents, mendient pour compléter leurs besoins de base que sont, entre autres, l’alimentation, les fournitures. C’est le cas de Jacques, rencontré le samedi 3 février à la plage Fidjrossè, torse nu. « Je suis le benjamin de ma famille. Mes parents n’arrivent pas à s’entendre pour me donner à manger. Les samedis, d’habitude, je me déguise pour me rendre à la plage afin de trouver un peu d’argent. Je quitte Vêdoko pour la plage afin d’éviter que mes parents me voient », conte le jeune garçon, élève en classe de 6e dans un collège de la place.
Mais plusieurs de ces enfants n’aspirent pas s’éterniser dans ce monde de mendicité. Selon une enquête réalisée en 2015 par l’Unicef au Bénin relative à l’état des lieux sur la situation des enfants impliqués dans la mendicité dans les villes de Cotonou, Malanville et Parakou, « les enfants en situation de mendicité âgés de 12 ans et plus, semblent plus préoccupés par leur avenir et voudraient s’engager dans des activités professionnelles plus qualifiantes et valorisantes (retourner ou aller à l’école, apprendre un métier, etc.). Pour ces derniers, la vie dans la rue et les servitudes liées à la mendicité ne représentent pas un bon présage dans la réalisation de leur projet de vie. » Bien avant, les enfants en situation de vulnérabilité, notamment ceux dans la mendicité sont quelquefois reçus à l’Office Central de Protection des Mineurs, connu sous le vocable « la brigade des mineurs ».

Le réflexe du policier et le surpeuplement des enfants mendiants

Florent est un agent de la police républicaine ayant travaillé pendant des années à la brigade des mineurs. Ce temps passé aux côtés de ces âmes innocentes a forgé en lui, l’amour des enfants. « Lorsque l’enfant est retrouvé dans la rue en train de mendier, le reflexe que le policier doit avoir est de le confier aux services sociaux qui doivent assurer sa protection », explique l’officier de police Florent. Dans un passé récent, le seul centre qui accueillait beaucoup plus les enfants, c’est l’Office Central de Protection des Mineurs. La brigade des mineurs en complicité avec le personnel du service social du Ministère de la Famille et des Affaires Sociales, joue sa partition en identifiant les parents selon le cas. Qui s’occupe alors des enfants pendant leur séjour à la brigade des mineurs ? L’officier de police répond en ces termes : « Je sais qu’il y a une ligne qui permet à la brigade de prendre en charge ces enfants. Il y a aussi l’appui de certaines ONG à la brigade. Donc normalement, le passage à la brigade doit être très court ».
Rachid, un autre officier de police, se désole, par contre, du séjour exagéré de quelques enfants à la brigade de mineurs : « La brigade a une capacité donnée d’accueil de 150 enfants. Il est arrivé des moments où la brigade n’était pas en mesure d’accueillir plus d’enfants. Des fois, les centres d’accueil n’ont pas aussi les moyens pour prendre les enfants. Ce qui fait qu’on voit des enfants traînés dans les unités et les commissariats ». Ceci survient lorsque les Centres d’Accueil et de Protection de l’Enfant (CAPE) n’ont pas assez de places pour accueillir les enfants en situation de mendicité. A la question de savoir si l’ouverture des centres pourrait-elle régler le problème, la réponse est négative selon l’officier Florent. Cependant, fait-il observer, « l’ouverture des centres est un début de solution. Mais le mal demeure et il faut toucher le noyau du phénomène ». Il ajoute qu’il y a des enfants qui font plus de 1 an au lieu de 72 heures. Dans ces conditions, précise-t-il, des ONG font des dons de friperies, de savons, de chaussures. Pourtant, des textes nationaux ne donnent pas de crédit à la mendicité des enfants.

Que disent quelques textes nationaux ?

Les vendredis sont des jours spéciaux pour les différentes religions, notamment l’islam. Il n’est pas rare de voir un nombre considérable d’enfants dans ces lieux. Des parents, selon les propos de Florent, l’officier de police, sont capables d’envoyer leurs enfants à ces endroits pour quémander. Un acte proscrit par le législateur béninois. Conformément aux dispositions de la loi N°2015-08 du 08 décembre 2015 portant Code de l’enfant en République du Bénin en son article 338 : « quiconque incite ou contraint un enfant à la mendicité, est puni de six (06) mois à deux (02) ans d’emprisonnement et d’une amende de cent mille (100 000) à deux cent cinquante mille (250 000) franc CFA ». En outre, la loi N°2018-16 du 28 décembre 2018 portant code pénal en République du Bénin interdit la question de l’exploitation ou de la traite des enfants du moment où des parents incitent directement ou indirectement des enfants à faire la manche. « Lorsqu’il est constaté que le revenu de l’enfant est au bénéfice d’une personne qui collecte les sous, il s’agit d’une traite et c’est interdit », rappelle l’officier de police Jacques. Seulement, la question de la mendicité des enfants reste une équation difficile à résoudre.

Enock GUIDJIME

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