Moi, papa bonheur !

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Vous vous souvenez de moi, j’espère. Je suis le père ALAFIA, qu’un écrivaillon de bas quartier voulut opposer à ma tendre épouse dans un journal pourtant sérieux en titrant : la guerre des ALAFIA1. Or mon couple est là, plus fort, plus soudé que jamais. Cette petite dispute eut du bon et montra que malgré ma soixantaine bien dépassée, j’étais encore fort vert : ma femme porte la grossesse de notre cinquième enfant ! Qui dit mieux dans cette nouvelle société tentée de délimiter les naissances alors que les enfants sont une bénédiction.
Au départ, c’est vrai, je n’aimais pas trop le pasteur de madame. Mais le vertueux apôtre du Christ fut essentiel pour faire venir notre bébé par des prières, de l’eau bénite et des offrandes offertes au Père céleste, alors que ma chère moitié épousée en secondes noces à ma retraite, menaçait de me quitter. Tout fut conçu lors d’une retraite spirituelle de trois jours et trois nuits dénommée « contempler le 7ième ciel » qu’elle effectua et où seul le saint homme la visitait. Elle en revint lasse mais rayonnante. Je suis un homme heureux, n’en déplaise aux mesquins !
Je voudrais le clamer: je suis comblé, moi qui naquis avec les indépendances et vécus dans deux siècles. Je suis un intellectuel à la retraite, ex travailleur dans l’administration. Ma pension tombe régulièrement maintenant. J’ai quelques biens, un logis coquettement meublé, un véhicule, des lopins de terre qui rapportent. Comme disait l’autre, que veut le peuple ? « Vivre et laisser vivre », c’est ma devise. Pas de vague ! Il faut suivre le mouvement. Que puis-je, seul dans ce monde qui change si vite !
J’eus quelque importance dans l’administration. Imaginez qu’au départ, mon directeur semblait peu m’apprécier. Toutefois, sa secrétaire particulière aux formes généreuses, était une vague nièce. Son mari jaloux venait régulièrement la chercher, et n’avait confiance qu’en moi. Il se plaignait : elle rentrait tard et ses missions hors de Cotonou étaient fréquentes. Elle était trop proche de son chef, récriminait-il. Je le rassurais, n’ayant rien vu d’anormal, moi qui suis si avisé ! Un jour, je m’attardai pour finir un courrier que je tins à faire certifier par mon chef. Je rentrai par le bureau de la secrétaire qui était entrouvert sur celui de son patron. Ma nièce semblait gémir ou pleurer. Je tapais longtemps. Elle revint toute échevelée et froissée. Elle m’indiqua sans trop réfléchir le bureau de son patron qui finissait d’ajuster ses habits tout en m’expliquant, je ne sais pourquoi, qu’il revenait des toilettes. Le lendemain, mon patron m’appela, me félicita et me nomma chef spécial de bureau. Honneur suprême, je partis en mission de formation en France pour une quinzaine avec mon Directeur et la secrétaire. Le mari n’acceptait qu’à cette condition. Quel jaloux ! Mais cela me servit. Je suis un homme heureux qui a réussi. Ma devise que vous connaissez me tient au chaud.
Je vous ai parlé de ma maison, du bureau. Passons à mes convictions politiques afin que vous sachiez comment vivre ici-bas sans faire de vague. Combien parmi vous furent compétents et récompensés par un voyage en Europe ? Je compris, dans ces pays pleins d’étages et d’hommes pressés, la boutade ivoirienne : « Dieu est grand mais le Blanc n’est pas petit ». Il faut respecter le Blanc car il a accompli des merveilles. Maintenant retraité, je rassemble parfois des jeunes et des personnes du quartier pour m’écouter, raconter mon séjour en France toujours rallongé et enjolivé afin d’édifier la jeune génération. Ils venaient nombreux écouter les paroles d’un sage sans oublier d’honorer la dame-jeanne de Sodabi et le repas apprêté. Je leur racontais aussi qu’il faudrait laisser la politique aux politiciens dans nos pays où elle était violente et insensée. J’avais traversé plusieurs régimes et suis toujours là. Je n’ai pas connu Nkrumah, ni Sékou Touré, mais j’ai étudié dans un pays où le Président, quasi immortel, se faisait appeler timonier national. Quand il décidait chaque jour d’aller de sa maison à son bureau, son parcours restait bouclé fort longtemps. Quand il était annoncé, les soldats au bord du goudron nous faisaient tourner le dos au cortège qui passait dans un vrombissement sourd pendant que nous applaudissions à tout rompre la litanie des véhicules noirs à vitres teintées qui étaient déjà au loin ! Plus tard, j’appris qu’il était rarement dans l’un des véhicules. Qu’applaudissons-nous ? Sûrement notre autorisation de vivre !
Vous l’avez compris, trois choses nous interpellent dans la vie : l’économique, le politique et le social. Moi j’ai trouvé la solution pour traverser le temps et jouir de la vie. Je ne vois rien, je n’entends rien et je ne pense rien ! Qui dit mieux, je suis heureux, je suis Béninois et je n’ai pas besoin de me changer pour exprimer quelque béninité que ce soit !

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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