J’ai la soixantaine et demain je passe mon BAC ! Je n’y peux rien. Vous pensez que je suis trop vieux et que les trois jours suivants, je vais me rendre ridicule à réviser mon cours sur la CEDEAO et les effets de la mondialisation ? En réalité, c’est mon enfant qui va à l’examen mais, dans cette préparation et cette participation, ma femme et moi, nous sommes plus investis que lui.
Hé. Mon Dieu ! Rien ne semble l’intéresser ; aucun cours de philosophie et d’histoire ne semble trouver grâce à ses yeux, lui qui est en série littéraire. Pire, il a décrété ses bêtes noires à savoir les maths et les Sciences de la Vie et de la Terre. Au comble du désespoir, j’ai dû lui demander de l’amener voir le Directeur de l’Office du BAC que je connais quelque peu et qui pourrait nous donner une dispense pour ces deux matières qui le dérangent ! Pendant deux jours, je me demande s’il n’a pas cru que cela était possible avant de me lancer plus tard un « laisse tomber ».
Dans cette affaire, je peux vous dire que j’ai vraiment mouillé le maillot pour préparer cet examen que j’ai passé depuis les années 80. Quand je veux donner mon exemple à ce fils toujours et partout indifférent, il s’arrête, s’assied, me regarde avec un air mi-renfrogné, mi excédé, m’écoute et ne m’entend pas : de mon temps, quand on allait à l’école et notamment à l’examen, on n’avait pas la ribambelle de répétiteurs plus chers et plus (in)utiles les uns que les autres ; on faisait des groupes de travail et on étudiait personnellement à se fendre le crâne. Enfin, on arrivait à un moment où nous pensions être vides, sans aucun savoir ; on reprenait les cahiers et en faisant cette énième revue, on se rendait compte qu’on connaissait déjà ceci et cela, on se rassurait mais bientôt l’angoisse revenait ; on supputait, faisant des comptes d’épiciers pour savoir où on aura une bonne moyenne et où faudra-t-il compter, bref, c’était l’angoisse, avec tout l’être tendu vers un seul but : l’examen.
Quand je sortis de cette longue tirade, plongé dans un passé qui m’avait secoué, je retrouvais mon fils bien calé dans le fauteuil, peu convaincu par ce passé et ses bienfaits dont on lui rabâchait de temps en temps les oreilles et me lança : « j’aurai ton BAC ». Mais, chers toutes et tous, rien et vraiment rien ne prouve que cet enfant pourrait réussir !
Moi je pense qu’il faut ressentir un intérêt avant de réussir. Mais alors qu’est-ce qui intéresse ce gamin, prompt à résoudre les problèmes de mon téléphone et mon ordinateur portable ; habile dans tout ce qui touche aux media et GSM, Veut-il devenir réparateur de portables et peut être d’ordinateurs ? Je lui ai demandé et il n’a pas répondu !
Je voudrais décrire cet enfant, apathique, semblant toujours blasé, au fait de toutes les actualités sur les sujets inutiles de mariages de stars, de nouvelles chansons, de nouvelles sorties de téléphones et de jeux vidéo et qui semble partir pour vivre très longtemps à mes crochets.
Qu’en ferai-je dans quelques jours après avoir dépensé sans compter pour sa scolarité ? Avoir payé des répétiteurs dans toutes les matières ; je me demande si je ne serai pas allé composer à sa place si c’est possible ! Dans ma maison, l’angoisse n’est pas dans le camp où l’on pense. Qu’en ferai-je lorsque, avec toute son indifférence, il va au BAC et échoue. D’aucuns disent que c’est leur génération et qu’ils sont ainsi, différents de nous mais avec une certaine conscience (pas vraiment une conscience certaine). De toutes les façons, il faut les aimer et savoir que chaque génération se forme, se forge au fur et à mesure et que peut être, nous aussi avions martyrisé nos parents.
Alors, qu’importe qu’ils aient le BAC ou pas, nous serons toujours là pour nos plus grands trésors, indulgents ou sévères. Notre rôle, quoi qu’il en coûte, quel que soit le résultat immédiat, c’est de les accompagner vers et dans le monde pour entreprendre et réussir. Il y aura des batailles perdues, l’important, c’est de gagner la guerre. Quand même ! que c’est difficile le BAC par procuration !
Maoudi Comlanvi JOHNSON,
Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe