Je voudrais qu’on me pardonne par avance ce que je voudrais raconter dans cette chronique. Je suis, je reste et je resterai toujours chrétien et croyant. Et parce que j’en suis convaincu, il y a des situations que je ne peux accepter. Deux faits vont camper le contexte de ma chronique.
Le premier, c’est que je suis apparemment le seul croyant qui n’arrive pas à réciter correctement le ‘’pater noster’’ sans buter inlassablement au niveau de la même demande à savoir « pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Impossible pour moi, malgré un tour du monde, malgré l’explication d’éminents professeurs religieux et laïcs, car je sais que moi, être imparfait, je ne pardonne pas toujours ni de fait, ni d’intention.
Le second fait est un souvenir : lorsque j’ai voulu réaliser mon mémoire de maitrise d’anthropologie religieuse sur « le syncrétisme religieux en RPB », je me suis alors adressé à un éminent homme de savoir, en l’occurrence un prélat pour définir le vodun et, sa belle définition (mi a non vo a bla nu dodu) que j’osai défendre fortement le jour de la soutenance, rencontra le courroux de mes examinateurs. Il avait même prévu venir à cette soutenance et ne le pu !
J’ai reçu ma confirmation en 2005 des mains de Monseigneur André XXIII, archevêque de Paris (qui n’était pas encore Cardinal) en pensant à cette adresse à Dieu qui me faisait toujours trembler, tandis que le prélat qui m’avait donné la définition du vodun en 1985, s’appelait Robert Sastre.
Si j’écris cette chronique, c’est pour reposer cet éternel problème du pardon qui nous rattrape à chaque instant surtout lorsque ceux qui doivent en donner l’exemple nous font assister à des situations plus que déplorables où notre foi titube fortement et notre morale se met en berne.
En effet, il y a quelques jours, a été fêté le vingtième anniversaire de la mort de Mgr Robert Sastre. Une des manifestations a été le colloque qui a eu lieu à l’Université d’Abomey-Calavi, en présence d’éminentes personnalités notamment l’administration universitaire avec à sa tête le Recteur, des chercheurs et une forte délégation de fidèles venus des Départements du Mono et du Couffo. Je me suis fait inviter avec un plaisir et un honneur mal dissimulé !
A l’ouverture sous la présidence effective du ministre en charge des Enseignement secondaire général, technique et la formation professionnelle, on a commencé à chercher en vain celui qui devrait co-présider le colloque à savoir l’évêque de son ancien diocèse. Il n’était pas là ! On retarda l’ouverture, on prit des nouvelles mais apparemment, il n’allait ni venir (sans aucune excuse) et il ne s’était pas fait représenter. Le colloque commença avec une réelle amertume des autorités face à cette situation pour une personne qu’on avait prévenue. Mais quelle explication allez-vous me donner alors ? Les personnes apparemment informées sont allées jusqu’à dire que les religieux nombreux présents dans la salle, n’étaient pas de son obédience. Il y avait à ce colloque des gens qu’il ne supporte pas ou qui ne le supportent pas ! A l’heure du colloque pour lequel il a été formellement invité (je répète), il était chez lui, s’occupant de recevoir les unes et les autres et leur parlant de l’amour de Dieu et du prochain.
Dites-moi comment je peux croire au pardon si celui que j’appelle mon Père et en qui je place toute ma confiance pour me guider, surtout moralement me donne l’exemple même de l’intransigeance, de l’incapacité de se hausser en s’abaissant (Matt 5). Que pourra-t-on me dire pour justifier la non-présence à ce colloque de ceux que Sastre a nourri en son sein et qui aujourd’hui se retournent contre lui. On se surprend à penser que notre Seigneur est trop magnanime et nous sommes tous coupables lorsque nous refusons de poser simplement et clairement ces problèmes dont l’essence nous est inconnue, peut-être, mais dont les effets agissent durablement sur nous. Heureusement qu’il y a encore une bonne partie de croyants qui, contre vents et marées, tiennent bons mais en même temps, face à nous les indéracinables, combien s’en vont chaque jour vers d’autres temples où des marchands d’illusion affublés de noms de Pasteur, viennent remplacer des prêtres qui écoutent, mais n’entendent plus la parole divine.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe