Le Zangbéto, masque protecteur, relève encore et toujours du monde mystérieux, sacré dont seuls les adeptes et initiés détiennent le secret.
Au Bénin, le Zangbéto littéralement appelé ’’gardien de la nuit’’ en français, est un masque vaudoun très répandu dans la partie méridionale au même titre que le masque Guèlèdè qui lui, a été inscrit en 2008 par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Ce masque esprit caché sous un costume de paille, semblable à une botte de foin, sort généralement la nuit au temps des ancêtres, accompagné des initiés qui chantent et jouent de la musique rituelle et sacrée, tapant sur des cloches et tambours. Il est chargé de veiller sur le sommeil des habitants et d’éloigner les mauvais esprits et voleurs de la nuit.
Du Fitheb migratoire…
Au quartier Dokon, dans l’arrondissement de Saklo-Atchonmin à Bohicon, ville historique située à environ 126 kilomètres de Cotonou (centre Bénin), les premiers spectateurs affluent sur la place publique en face de la Société des Huileries du Bénin (SHB), ce dimanche, pour vivre un événement exceptionnel, le Fitheb migratoire. Un premier masque Zangbéto suivi d’une demi-douzaine, arborant divers costumes, sortent du couvent et apparaissent au grand jour. Le groupe des batteurs, une quinzaine de jeunes gens, assis à quelques mètres sur des bancs de fortune, donnaient aussi de la voix, chantant énergiquement pour retenir le public. Tam-tam, gongs, castagnettes… tout résonnait en symphonie pour appâter les indécis du moment. Les instants d’après, sous la direction de Bénoît Ayidékon, prête de couvent Zangbéto, entouré de ses plus proches collaborateurs, le spectacle s’emballe. Les masques Zangbéto, l’un après l’autre, défilent dans le cercle dessiné par de milliers de curieux spectateurs. Sous différents airs traditionnels, ils prennent en chasse les groupes de spectateurs constitués, puis tournent sur eux-mêmes, soulevant poussière et ovations. « Azo ! Azo cacoca ! », lancent, par moment, de jeunes gens pour louanger et congratuler les masques qui trémoussent, s’activent comme des êtres endiablés. Aux cris d’encouragement du public, ils redoublent d’ardeur, délogeant et pourchassant tout individu qui semble bien se prêter au jeu. Un spectacle atypique auquel le public a eu droit des heures durant, jusqu’au-delà de 19 heures, dans la soirée.
Zangbéto, le sacré…
Après plusieurs incantations et évocations des esprits et divinités traditionnelles par des accompagnateurs et initiés vertus de tout blanc, amulettes au cou et aux bras, les masques Zangbéto se transforment, prenant diverses formes bien visibles : statuette voudoun, serpent… Ce fut une belle partie de démonstrations mystiques. Selon Bénoît Ayidékon, le fétiche Zangbéto a été instauré aux encablures du 16ème siècle par le roi Tè-Agbanlin, souverain du royaume de Porto-Novo, pour sécuriser la cité et sa banlieue. « Au temps de nos ancêtres, les Zangbéto se faisaient appeler ‘’Bliguédé’’. Ils étaient des divinités et sortaient exclusivement la nuit pour jouer le rôle de gardien de la nuit. Ils ne portaient pas de masque et n’avaient pas un costume de paille. En cette période, les femmes n’avaient pas le droit de sortir la nuit pour les voir. Ils sillonnaient les quartiers et villages pour empêcher les voleurs, sorciers et autres mauvais esprits de commettre leurs forfaits. De nos jours, avec leur masque, ils sortent le jour, surtout à l’occasion des cérémonies et animations cultuelles et culturelles», a-t-il expliqué. A l’en croire, le rôle originel du Zangbéto n’a pas changé. « Hier comme aujourd’hui, son rôle reste le même. Accompagnés de jeunes gens braves secrètement initiés, le Zangbéto dissuade d’éventuels malfaiteurs la nuit et assure la quiétude des populations, surtout dans la société traditionnelle béninoise», a-t-il confié, très serein, indiquant, par ailleurs, que le Zangbéto qui sort à l’occasion d’une manifestation cultuelle, peut se transformer en un objet ou animal de son choix, et après réapparaître à la suite d’incantations et évocations d’esprits. Pour le dignitaire Avogbonon Zangan, la soixantaine, lui aussi prête Zangbéto, au temps des ancêtres, ce sont les Zangbéto qui assuraient donc le rôle dévolu aujourd’hui à la police, à la seule différence qu’ils s’occupent également des sorciers et esprits mauvais. « Même aujourd’hui, les Zangbéto continuent de jouer ce rôle dans nos villages, campagnes et milieux ruraux où la police n’est pas automatiquement présente. Le Zangbéto n’est pas un humain, il relève de l’ordre mystique et son arme de défense et de dissuasion est le pouvoir surnaturel. Seuls les initiés peuvent avoir accès au couvent Zangbéto. C’est un patrimoine culturel immatériel du Bénin que nous devons promouvoir à travers le monde », a-t-il déclaré, martelant que le Zangbéto est d’origine Goun (groupe socio-ethnique du Bénin) et de la région de Porto-Novo, à l’Est.
De l’initiation…
Tout le monde peut être initié à la divinité Zangbéto, mais tous les initiés ne peuvent pas accéder au couvent Zangbéto, a martelé le prêtre Zangbéto, clarifiant que cela nécessite des rites et cérémonies selon le rapport de l’initié ou de sa famille avec le culte traditionnel et la divinité Zangbéto. Pour être initié, reprend Bénoît Ayidékon, prête de divinité Zangbéto à Bohicon, « il faut une poule et un cop rouge, deux bouteilles de vin de palm, une boisson sucrée pour la divinité Lègba, des noix de colas, de l’huile rouge et une somme de 10.000 francs Cfa (16,68 USD) ». «Aussi, pour toutes situations malveillantes nuisibles à la paix dans la société traditionnelle béninoise, après consultation de l’oracle (le fâ ou le ifâ), le fétiche Zangbéto fait sa sortie pour en apporter les solutions. Par exemple, lors des grandes sécheresses où la pluie devient rare et le feu ravage la production des cultivateurs et les concessions, lors du passage de mauvais vents comportant de mauvais esprits invisibles qui déposent des maladies mortelles au sein de la population, le roi ou souverain fait appel au fétiche Zangbéto pour des cérémonies spirituelles afin de purifier la cité. Aussitôt après, on doit assister au retour de la paix, la régularité des saisons, la bonne récolte des cultivateurs et la quiétude de la population », a-t-il indiqué, concluant que le Zangbéto est encore et toujours du monde mystérieux, dont seuls les adeptes et les initiés détiennent certainement le secret.
Serge-David ZOUEME