Dans notre monde actuel, une citation de MACHIAVEL m’interpelle : « la fin justifie les moyens ». Cela signifie, généralement qu’une personne est prête à user de tous les moyens pour atteindre son but. Ceci soutient donc que la morale devrait s’accommoder de nos intérêts, voire nos besoins.
Face à ce sujet, mes collègues philosophes vont magistralement présenter les thèses et finir par soutenir que l’argent sale ou encore les intérêts immoraux ont une odeur malsaine. Et pourtant, chaque jour autour de nous, notamment en politique, nous nous retrouvons nombreux en train d’applaudir des parvenus qui ont traversé plusieurs régimes et retourné plusieurs vestes. Leur tort n’est pas seulement leur versatilité et leur égocentrisme, mais surtout leurs multiples crimes socio-économiques. Et pourtant, on aime, on accepte et on glorifie ces sales intérêts, voire ces hommes sales. Maintenant, jugeons une autre situation.
Il était une fois, une jeune fille née dans une famille honnête mais pauvre. Avez-vous constaté que l’honnêteté véritable est synonyme de pauvreté ? Elle voulait et se forçait à aller à l’école tandis qu’avec le temps, sa maman se perdait dans les cierges et l’eau bénite et papa dans les méandres de l’histoire.
Vaille que vaille, la jeune fille atteignit la Terminale, série G. Que de sacrifices pour en arriver là : des classes redoublées, des moyennes de justesse, car n’ayant jamais assez d’argent pour payer sa scolarité assez tôt. Dans la parcelle prêtée par un oncle, il n’y avait que deux espaces de vie délabrés insuffisants. Et quand l’un des cinq enfants squattait un ami dans le quartier, c’était un soulagement.
Et pourtant le Seigneur, dans son incommensurable bonhomie, avait fait une demoiselle rembourrée avec des pleins et des déliés de qualité. Elle était toujours d’égale humeur du haut de sa vingtaine passée et donnait l’impression de vivre dans l’opulence et de n’avoir peur de rien. Cette année du BAC, elle était tombée sur un gosse de politicien, riche à souhait qui courait après elle tandis que les autres filles couraient après lui. Politicien rime avec richesse, c’est connu !
Malgré un relatif répit donné par le fils à papa qui lui avait même payé une partie de sa scolarité, elle se rendait compte que les tares accumulées rendaient sa réussite au Bac hypothétique. Sans compter les demandes pressantes du jeune premier à qui il tardait de savourer les charmes de la belle. Certes, elle n’était pas sans avoir connu le fruit défendu, mais son objectif était loin du bébé politique qui voyait l’école comme un lieu de villégiature.
D’un autre côté, c’étaient aussi les sollicitations d’enseignants qui ne se privaient pas de lui faire des propositions. A quelques mois de l’examen, elle eut un nouveau professeur de comptabilité. C’était un monsieur entre deux âges quelconque, mais bavard et vantard. Il soutenait que non seulement ses sujets sortaient souvent au Bac, mais aussi qu’il avait un taux important de réussite. Il jeta son dévolu sur notre fille qu’il pressa de ses intentions. Tout le monde se rendit compte qu’il était mordu. Cela devint un sujet de plaisanterie tant, il n’arrivait plus à se cacher. Il commença à donner des conseils et des cours particuliers à la jeune fille et, n’y tenant plus, lui proposa un marché : tu viens passer le reste de l’année jusqu’au Bac chez moi, célibataire et je te jure que tu l’auras !
Étonnée elle voulut partager cette proposition avec le petit politicien. Elle l’approcha ; mais elle ne l’intéressait plus ! son repas et son confort se sont envolés.
Chaque jour, à travers les ragots et les murmures, on l’assura que le prof de compta était une véritable solution pour réussir. Alors, un vendredi, elle le rencontra : « Si je viens chez vous, vous me prenez complètement en charge ? » « Bien sûr », répondit-il d’une voix tremblante. Alors, elle emménagea chez l’enseignant consciente du pari et des désagréments. Elle servit tout et à tout, mais la formation fut efficace.
Ses parents ne se rendirent même pas compte de son absence. Elle revint chez eux après l’examen. Les résultats sortirent et elle était admise. Elle vint chez le prof qui voulut fêter cela à sa manière. Elle l’arrêta net, ramassa ses affaires et avec la conscience du devoir accompli, rentra chez ses parents pour préparer l’université.
Maoudi Comlanvi JOHNSON,
Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe