La Politique Nationale de Protection de l’Enfant (PNPE) a été accueillie par les différents acteurs. Au terme de la mise en œuvre de son premier plan d’action, il est important de prendre langue avec l’un des acteurs ayant conduit son élaboration. Il s’agit de Bruno Gbèhinto, alors directeur de la famille, de l’enfant et de l’adolescent. Aujourd’hui, directeur général des affaires sociales au Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance, nous avons abordé avec l’homme, les actions menées et les perspectives de la PNPE « nouvelle génération ». Lisez plutôt !
Educ’Action : Pourquoi une PNPE ?
Bruno Gbèhinto : Dans les années 2000, le Bénin faisait ses pas à la suite de la domestication, d’abord de la ratification de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Il s’est avéré nécessaire de voir la situation de l’enfant au Bénin. Nous n’avions pas une étude importante qui existait, mais les études réalisées par les différents partenaires ont montré qu’il y avait des vulnérabilités sérieuses au Bénin. Lorsque vous connaissez l’état de la situation, il faut trouver un remède. Pour trouver le remède pour un pays, ce n’est pas la peine de mener des actions éparses en pensant qu’on règle le problème. Il faut aller à une orientation qui fédère l’action de tout le monde. C’est dans ce cadre que le Bénin a été appuyé par le financement de l’Unicef pour conduire le processus d’élaboration de la PNPE. On a su que le Bénin était encore dans la perception des enfants sorciers, le travail des enfants. Nous avons compris qu’au Bénin, il y a encore la violence faite aux filles notamment le mariage forcé, le harcèlement à l’école. Nous avons compris qu’on a tout le visage de la traite. Cela s’est mieux présenté à nous. Alors, nous nous sommes donnés une vision pour dire qu’à l’horizon 2025, on voulait qu’en prenant la trajectoire de l’enfant depuis la cellule familiale jusque dans les institutions, qu’il y ait une façon plus harmonieuse de s’en occuper. Après, on a décliné des axes pour mieux faire les choses. Nous avons dit qu’il fallait responsabiliser davantage les familles et les communautés. Au niveau de l’axe n°2, par exemple, nous nous sommes dit qu’on prépare l’enfant et son environnement. Si on ne fait rien, on aura toujours ces violences. Axe n°3, on s’est dit, vous avez prévenu, ce n’est pas terminé. L’enfant, malgré tout, peut être en difficulté. Donc on a proposé un Centre d’Accueil de Protection de l’Enfant (CAPE) pour garder l’enfant. Voilà un peu comment nous avons organisé la PNPE de la façon la plus simple. Nous avons défini un plan d’actions lorsque le gouvernement a accepté le document en 2014. On s’est donné le défi d’aller jusqu’en 2017 pour faire un premier bilan triennal.
Qui étaient les acteurs impliqués dans l’élaboration de cette PNPE ?
Les ateliers ont été montés sous trois formats. Nous avons les ateliers communautaires. Là, il y a enfants, parents, leaders religieux, leaders politiques, leaders culturels. Ces ateliers ont permis de demander à ces gens de donner la situation des enfants dans leur zone. Que représente l’enfant pour eux ? Quelles sont les manières dont ils pensent faire l’éducation des enfants ? Ces ateliers nous ont permis de mieux connaître la façon dont l’enfant est considéré dans nos milieux et les problèmes auxquels il est confronté. Ensuite, nous avons pris enseignants, policiers, assistants sociaux, médecin, sages-femmes, etc. Nous avons pris en compte la politique sanitaire, la politique éducative et la politique sécurité. Pour les gens qui sont venus des tribunaux dans le volet judiciaire, ces techniciens n’ont pas eu les mêmes réactions que la communauté parce qu’ils sont des prestataires de services. C’étaient des ateliers très intéressants et très houleux puisque j’ai eu la chance de conduire spécialement celui de Parakou, de Lokossa. J’ai fini avec l’atelier de Porto-Novo sur les six premiers ateliers communautaires.
Quelles sont les actions menées au niveau des axes 2,3 et 6 ?
Pour l’axe 2, le Bénin a fait des efforts pour mettre l’enfant au cœur de sa propre protection en lui notifiant sur ce qu’on appelle protection de l’enfant. Ils sont impliqués dans la production d’éléments de sensibilisation. Il y avait de nombreuses initiatives qu’on ne connaissait pas en tant qu’Etat mais qui sont ressorties pendant ces ateliers de formation.
L’axe 3 concerne la prévention. La plus connue, c’est tout ce que nous rabâchons à travers radio télé émission, productions journalistiques pour que adultes, enfants et jeunes se mobilisent. Les initiatives de contact sont nombreuses mais pas connues. Les CPS ont pris des initiatives en créant quelques fois des points focaux à la police. En effet, lav prévention liée au fait quevous avez une personne qui a une situation. La prévention est de ne pas dire à la femme qui a faim, pourquoi elle n’a pas donné à manger à l’enfant et comment elle a fait pour que cet enfant se retrouve dans la rue, comment elle a fait pour que sa fille se prostitue parce qu’il y a un lien entre la vie au quotidien et la protection.
L’axe 6, la répression. Je crois qu’elle bat son plein au Bénin. On parle plus du Bénin aujourd’hui en tant que leader dans ce domaine plus que dans d’autres domaines. Car au Bénin, tout le monde se plaignait mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Celui qui est venu ne parle pas beaucoup. Il a donné les moyens aux juges d’agir. Les trois lois votées en fin décembre 2021, à l’Assemblée nationale, ont été promulguées par le président de la République, en février dernier. Les réseaux sociaux mêmes suffisent pour montrer qu’on ne peut plus faire ce qu’on veut avec les enfants.
Il n’y a pas un mois où des cas de violences sur mineure ne sont pas rapportés. Que peut-on comprendre de cette situation ?
Si nous apprenons ce qui se passe aujourd’hui, c’est justement parce qu’on est en train de faire la répression. La communication a fait que vous apprenez des choses mais si vous allez chez un juge, il va vous dire combien de dossiers il y avait et combien il y a aujourd’hui. Il va vous dire que c’est en diminution. Les jeunes pensent qu’ils veulent travailler et avoir de l’argent. Ils se droguent avec des substances qu’on leur vend à vil prix pour être forts. Au départ, ils n’ont pas fait le programme d’être violeurs. Mais quand ils prennent et finissent de travailler, ils constatent que cela est encore en train d’agir. Ils ont des pulsions qu’ils ne peuvent pas maîtriser. Ils déversent cette pulsion sur une personne. C’est un pan qu’on n’est pas en train d’analyser parce que c’est trop. Les filles prennent des substances pour grossir les seins, les fesses, avoir de grosses cuisses. Il y a aussi des névrosés. Les névrosés, ce n’est pas nous qui les soignons. Ce n’est pas tous ceux qui viennent en procès qui sont enfermés. Il y a des personnes à soigner. Aujourd’hui, on fait savoir tout ce qui se passe, hier ce n’était pas le cas. Sinon, la répression fait reculer beaucoup de personnes.
Quelles sont les perspectives de la PNPE ?
La PNPE est à sa deuxième version. Nous avons envoyé cela en contrôle au niveau du ministère du plan. Ils nous ont demandé de rendre conforme à la nouvelle nomenclature. Donc, le nouveau directeur s’active avec ses collaborateurs. Avant cela, il faut reconnaître qu’aujourd’hui, la protection a pris dans notre pays et est à un niveau où il faut simplement agir. Le Bénin a tous les outils, nous avons la loi avec nous, nous avons le mécanisme avec nous, nous avons des acteurs qui sont de plus en plus formés et bien renforcés. Nous avons aujourd’hui le système judiciaire qui est vraiment extraordinaire. Je pense qu’il nous reste seulement à respecter ce qu’on a mis en place et de travailler. Aujourd’hui, nous avons lancé les réflexions pour voir ce qu’il faut corriger dans notre code pour que les choses s’améliorent.
Quel est votre mot de fin ?
En matière de protection de l’enfant, le Bénin continue de progresser parce que nous faisons régulièrement le bilan. Nous améliorons ce qui n’est pas bien et il faut toujours encourager tout le monde à poursuivre dans la même direction pour que notre vision se réalise en 2025. Que l’enfant qu’il soit béninois ou non, et vivant sur notre territoire, soit protégé depuis la maison jusqu’aux institutions. Cette dynamique, nous devons la garder parce que c’est une vision vraiment prospective qui répond parfaitement à nos engagements.
Propos recueillis par Gilles-Christ OROBIYI (Stg) & Enock GUIDJIME