L’apparition des premières menstrues fait le pont entre l’étape de la petite fille à celle de femme. Malheureusement, ce passage surprend certaines filles, faute d’économie d’information de la part des mères et sœurs aînées.
Larmes aux yeux, visage enflé, panique et peur au ventre. C’est l’état dans lequel la jeune Adjokè (prénom attribuée), s’est rendue à son atelier d’apprentissage un matin. Vêtue d’un pantalon et d’une tenue portant les informations sur son atelier, la jeune fille âgée de 12 ans environ semble avoir un souci particulier. Ses mains posées sur ses postérieurs en disent long. Son état inhabituel de ce jour a suscité étonnement aussi bien dans le rang de ses camarades d’atelier que de sa patronne. « Peux-tu me dire ce qui te met en larmes ce matin ? Tu es en retard, la chicote ne t’a pas encore touchée et tu pleures », la menace la patronne en langue fongbé. Tout en bégayant, la jeune fille répondit toujours en larmes, en montrant au passage son derrière : « Tantie (patronne en fongbé), j’ai le sang qui coule dans ma tenue. Je suis blessée. » Comme une femme avisée, la patronne la saisit aussitôt et l’accompagne dans la maison qui fait corps à l’atelier. Ceci, pour s’assurer qu’il s’agit bien de ce à quoi elle pense. « A djè glégbé ! (tu as eu tes premières menstrues) », s’exclame la patronne après en avoir eu la certitude. Nous vous épargnons la suite de cet événement. Cependant, la patronne s’étonne de ce que la jeune Adjokè n’a jamais été informée de ce passage pour la femme qu’elle est désormais. Bien qu’elle soit orpheline de père et de mère depuis les premières années de sa naissance, elle est quand même la benjamine d’une fratrie de 7 enfants dont 3 grandes sœurs déjà mariées.
A l’instar de la petite Adjokè, elles sont nombreuses, les jeunes filles que cette période surprend à l’école, en cours de route, en atelier ou même à l’église, sans un minimum d’information de la part de leur génitrice ou des grandes sœurs, sur ce phénomène biologique.
Dr François Lahamy, gynécologue accoucheur
Passage délicat pour la femme
Dame Odette Azon épouse Agbessi est une mère de famille. Loin d’être une spécialiste de la santé, sa qualité de femme et mère lui permet néanmoins de parler aisément de la question relative à la menstruation. Elle explique simplement cette dernière comme un phénomène naturel voulu par Dieu qui intervient à un moment précis de la vie de la femme. « Quand la fille commence à grandir, elle subit des transformations, les poils poussent de ses aisselles ainsi que sur son appareil génital. Les seins prennent petitement du volume et elle commence à saigner de son appareil génital. Ce saignement lui permet de débarrasser de son organisme, toutes les impuretés », explique-t-elle en fon. A sa suite, le Dr François Lahamy, gynécologue accoucheur, est entièrement en phase avec les propos de dame Odette. De façon scientifique, il fait observer qu’on ne saurait parler des premières menstrues chez la femme sans parler de la puberté. Ainsi, renseigne-t-il, la puberté est cette période de la vie de l’enfant caractérisée par l’apparition des caractères sexuels secondaires. « Chez la jeune fille, c’est durant cette période que les seins commencent à pointer, les poils axillaires et pubiens poussent et il y a également l’apparition des premières règles. Les règles ne sont rien d’autres que les saignements d’origine utérine qui commencent à apparaître à partir de la puberté jusqu’à la ménopause », développe le spécialiste de la santé féminine. Ce passage, faut-il le croire, varie d’une génération à une autre et d’une fille à une autre. Avant, conte le gynécologue, les filles pouvaient avoir leurs règles à 18 ans sans que personne ne s’inquiète. Aujourd’hui, par contre, la donne a changé. « Déjà entre 10 et 12 ans ou au plus tard vers 14 ans, elles vont avoir les premières règles et deviennent à cet effet, une femme. Parce qu’à partir de ce moment, si elle s’amuse à avoir des rapports sexuels au hasard, elle sera enceinte. Ces règles viendront de façon régulière, tous les 27 jours, ou 28 jours ou 30 jours jusqu’à la ménopause », renseigne le Dr Lahamy tout en insistant sur le fait que c’est une période très délicate pour la jeune adolescente. Dans notre société, beaucoup de femmes semblent avoir des difficultés à informer leur progéniture sur la question.
Odette Azon Agbessi
Des expériences de certaines mères
Dame Odette Azon épouse Agbessi est mère de 6 filles. Pour les premières menstrues de sa fille ainée, elle confie s’être mal prise comme c’est le cas de plusieurs mamans. « Je n’ai pas su comment aborder la question avec ma première fille. Un jour, elle est allée à l’école et c’est une fois là-bas, que son uniforme a été taché de sang. Ses camarades qui ont déjà pris par là, lui ont trouvé un pull-over qu’elle a attaché sur sa tenue. Elle est rentrée en pleure pensant qu’elle avait fait quelque chose de mal pour laquelle on pourrait la punir », se rappelle la mère de famille. Dès lors que cette étape a été franchie avec l’ainée, toutes les autres ont été informées bien avant d’avoir leur règle. « Je n’ai plus eu de problème avec les autres filles parce que l’ainée m’a beaucoup aidée dans cette mission. Elle a préparé psychologiquement ses sœurs, en partageant avec elles, le mécanisme de sorte qu’il n’y ait plus de panique dans leur rang. Quant à moi, je me charge de compléter l’information et d’apporter le nécessaire pour un bon entretien du corps », confie dame Odette, montrant ainsi l’importance de l’implication des mamans et sœurs dans la gestion de cette période.
Malheureusement, la jeune Adjokè n’a pas eu le privilège d’être informée par son entourage avant de passer cette étape. C’est le cas sans doute, de plusieurs autres jeunes filles, dont les mamans ont manqué de jouer le rôle qui est censé être le leur. « Ce n’est pas parce qu’on n’a pas envie de le dire qu’on ne le fait pas. Mais juste qu’on ne nous l’a pas dit. Du coup, on ne sait pas comment s’y prendre avec nos filles », laisse entendre une mère. A propos de cette précédente réaction, le Dr François Lahamy apporte une explication : « C’est une question d’éducation. Et la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Lorsqu’elle n’a pas reçu cette éducation, comment voulez-vous qu’elle la donne ? Même si elle comprend la nécessité de transmettre cela à sa fille, elle n’aura pas le courage, puisqu’en son temps, on n’en parle pas. ». Rendez-vous à la prochaine parution pour la suite de ce dossier consacré aux premières menstrues chez les filles.
Estelle DJIGRI