Au Bénin, les écoles arabo-islamiques, franco-arabes et coraniques ou islamiques sont, pendant longtemps, restées les grandes oubliées du programme d’éducation pour tous. Mais leur intégration au système éducatif formel national ne saurait plus tarder. Ce qui pourrait faire tomber certains préjugés selon lesquels, dans les départements du septentrion comme ceux du Borgou et de la Donga, elles sont au service de l’extrémisme violent.
Les perspectives de voir les écoles arabo-islamiques et franco-arabes intégrées enfin le système éducatif formel national au Bénin sont heureuses. En témoigne, la rencontre qui a réuni, les mardi 9 et mercredi 10 mai derniers à Parakou, des imams, dirigeants et maîtres de ces écoles. C’est à l’occasion d’un atelier sur l’engagement des parties prenantes nationales, consacré à la formulation du projet du cadre régional de partage d’expériences relatives à la question.
Selon l’imam de la mosquée centrale de Natitingou et quatrième vice-président de l’Union islamique du Bénin, Mohamed Nourou Dine Sanni, qui a pris part à la rencontre, c’est un pas de géant qui vient d’être posé. « C’est pour la première fois que l’État béninois se préoccupe du sort fait à ces écoles dans le système éducatif national », confie-t-il très heureux.
En effet, ces écoles n’ont jamais été acceptées au sein de l’éducation formelle, celle-là qui propose le curriculum scolaire national dans un cadre officiel reconnu par les institutions. Les enseignements qu’elles dispensent ne sont pas pris en compte par le système éducatif national, selon la pédagogie, les règles de fonctionnement, le processus de validation de leurs programmes et le calendrier fixés par l’Etat béninois. De même, rares sont les données que l’on dispose sur elles.

Un rapprochement des écoles coraniques vers l’éducation formelle proposée
Des limites à une école
Au niveau de l’éducation non-formelle où elles ont pris leur aise, hors du cadre officiel, ces écoles ne forment pas aux compétences attendues et aux examens scolaires nationaux. Reposant sur l’apprentissage du Coran, de la langue arabe et des sciences islamiques, elles ne donnaient également pas lieu à des évaluations et à la certification de leurs acquis. Portées par des courants religieux ou des confréries, elles sont appuyées et soutenues par des financements extérieurs en provenance des pays comme l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Qatar ou l’Egypte. Dans le Borgou et la Donga où, à l’instar des autres départements du septentrion, elles ont poussé comme des champignons. Selon une étude menée en 2018, ce sont 23 de ces écoles que la direction départementale des enseignements maternel et primaire de l’Atacora-Donga a dénombrées dans la Donga.
Par ailleurs, nombreux sont les enfants qui les fréquentent. Estimés à 0,97 %, ils sont considérés hors du système éducatif national par les autorités publiques.
En effet, au Bénin, rappelle l’ancien directeur départemental de l’enseignement maternel et primaire du Borgou, Jacob Toudonou, l’offre éducative a tendance à être réduite seulement à celle introduite par les missionnaires catholiques ou protestants, puis développée par les administrations coloniales et l’Etat béninois à son accession à la souveraineté internationale. Et pourtant, à travers l’école arabo-islamique, il y a un autre type de formation des enfants introduite d’abord par les arabo-berbères pratiquant le commerce transsaharien, puis par les confréries religieuses.
« Les parents ont voulu que leurs enfants aussi bien les garçons, tout comme les filles, apprennent l’islam. Pour le faire, ils doivent avoir une parfaite connaissance du Saint Coran. C’est ce qui a justifié la création de ces écoles », explique l’imam Mohamed Nourou Dine Sanni. Selon lui, des efforts sont à consentir par toutes les parties prenantes, pour surmonter les obstacles et accorder une place à l’école arabo-islamique. A sa suite, Nazif Abdoulaye, parent d’un enfant qui a fréquenté une de ces écoles ouvertes à Tissérou, dans la commune de Pèrèrè, soutient que l’Etat a l’obligation d’accorder les mêmes chances à tous les apprenants. Aussi, cherche-t-il à mieux comprendre les raisons pour lesquelles, l’Etat ne reconnaît pas les diplômes délivrés par ces établissements.
En effet, il y a trop de préjugés, lesquels reprochent aux enfants desdites écoles de n’avoir pas été formés pour contribuer au développement du Bénin, mais professer le fanatisme et l’intégrisme religieux. A travers eux, on voit de potentielles recrues pour l’implantation du terrorisme et de l’extrémisme violent. D’où, la mauvaise réputation dont souffrent leurs écoles.
Des préjugés
N’ayant pas évolué dans le système éducatif formel, une fois devenus adultes, ces enfants sont limités dans leurs capacités d’insertion socio-professionnelle. Dans ces conditions, le risque qu’ils soient marqués à vie et deviennent des éternels frustrés, prêts à s’adonner à n’importe quelle besogne, est élevé.
Ainsi, reconnaître l’existence et l’importance de ces écoles contribuera à instaurer davantage un cadre de concertation, de confiance et de dialogue dans les localités où elles sont installées. « Dans le cadre de la scolarisation universelle, l’Etat doit penser à faire face à cette expansion de l’enseignement arabo-islamique, conclure de nouvelles formes de partenariats comme il l’a fait avec les écoles des autres confessions religieuses telles que catholique, protestante » estime l’instituteur à la retraite à Gokanan, à Tchaourou, Paulin Fadaïro. « Mais il faut que, ce soit à la seule condition que ces écoles s’engagent à mettre en place des mécanismes de coopération qui affirment la coresponsabilité de l’État pour définir et atteindre les objectifs éducatifs fixés », insiste-t-il. L’objectif, selon lui, c’est de voir l’Etat s’assurer que les pensionnaires de ces écoles suivent également une formation complète à même de faire d’eux, des citoyens avertis des réalités socioéconomiques de leur pays, pour contribuer à son développement.
Dans la plupart des départements du septentrion, rapporte la même étude commanditée en 2018, le manque d’attention accordé aux écoles islamiques fait partie des griefs développés contre l’Etat. C’est en ce qui concerne les risques et les potentiels facteurs de radicalisation et d’extrémisme violent au Bénin. En intégrant lesdites écoles dans le système éducatif formel, l’Etat aura une parfaite maîtrise des programmes de formation qu’elles donnent, puis des diplômes qui y sont délivrés.
Maurille GNASSOUNOU