Parmi les nombreux apprenants inscrits dans les écoles, certains sont affectés par des troubles de l’apprentissage. Au nombre de ces troubles, il y a la dysphasie qui s’invite dans le rang des neuf (09) « dys ». Qu’est-ce que la dysphasie ? Et comment accompagner les apprenants qui en sont sujets ? La réponse des experts, c’est dans cet article de votre journal Educ’Action. Lisez plutôt !
Qu’est-ce que la dysphasie ? De l’avis de Omolola Mireille Adjinda, psychologue clinicienne, la dysphasie est un « trouble neuro développemental de la production et/ou de la compréhension de la parole et du langage. Ce trouble spécifique du développement de la parole et du langage entraîne l’échec d’une acquisition normale du langage réceptif et/ou expressif qui ne résulte pas d’une déficience intellectuelle, d’une déficience sensorielle ni d’un désordre affectif grave ». Du même avis que la psychologue Adjinda, Edith Choukpa, orthophoniste à la clinique universitaire de médecine physique et de réadaptation au Centre Hospitalier et Universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) définit la dysphasie comme « un trouble spécifique grave du développement normal du langage affectant l’expression et/ou la compréhension du langage oral ». La dysphasie, en effet, relève de plusieurs causes et peut se manifester différemment chez les apprenants.
Des causes au diagnostic pour la détection du trouble…
Les origines de la dysphasie, trouble du langage oral, sont génétiques et cérébrales, s’accordent les deux (02) spécialistes. Ainsi, pour Omolola Mireille Adjinda, également animatrice et coordonnatrice d’une association pour l’intégration des personnes handicapées intellectuelles dénommée ‘‘La CHRYSALIDE’’, « La dysphasie est la conséquence d’un dysfonctionnement des structures cérébrales qui régulent les fonctions du langage. Elle peut être aussi la conséquence d’une déficience intellectuelle. La cause peut être génétique donc transmissible. Le cerveau humain est composé de différentes aires dédiées à des fonctions spécifiques. Toute atteinte de l’une de ses aires peut avoir des conséquences bien fâcheuses sur le développement du système cérébral de l’enfant ». Dans ses envolées explicatives, l’orthophoniste Edith Choukpa va appuyer les propos de la psychologue clinicienne en précisant que les causes génétiques sont de 20 à 40%.
Cependant, il est impérieux de comprendre comment se manifeste la dysphasie ou plus ou moins, comment reconnaitre un apprenant dysphasique. Les apprenants victimes de la dysphasie sont diagnostiqués suivant plusieurs critères. « Un trouble de la production phonologique, l’absence de mots dès l’âge de 2 ans ou des premières phrases à 3 ans, les difficultés praxiques, les troubles de l’évocation lexicale qui constituent une pauvreté en vocabulaire de même que des difficultés de compréhension verbale », explique, entre autres, Edith Choukpa, également membre de l’Association Béninoise des Professionnels de l’Orthophonie (ABEPO).
Partant pour sa part des différentes formes de la dysphasie, Omolola Mireille Adjinda souligne que ce trouble du langage oral peut toucher les fonctions expressives, réceptives ou les deux. Pour cette dernière, « le diagnostic de la dysphasie ne peut être posé qu’après les 5 ans de l’enfant ». Elle recense, à cet effet, les manifestations au niveau de l’expression et de la compréhension. Au niveau de l’expression, explique la psychologue clinicienne : « L’enfant présente des difficultés tels que les troubles de l’élocution qui peuvent être massifs (l’enfant ne peut pas émettre ni produire un message), les troubles de l’évocation (il cherche ses mots, fait des périphrases), le langage non informatif (il se trouve dans l’incapacité de transmettre une information uniquement par la parole), une syntaxe erronée (il s’exprime dans un style télégraphique avec des difficultés de formulation, ne trouve pas ses mots). Ses propos peuvent manquer de sens et de cohérence ».
Généralement, chez les élèves dysphasiques, le langage spontané est réduit. Ils évitent de parler spontanément ; de prendre la parole ou, au pire des cas ; ils répondent juste par oui/non, fait savoir dame Omolola Mireille Adjinda. Elle poursuit par ailleurs : « On note des difficultés de compréhension qui portent essentiellement sur des consignes verbales (comme des ordres simples) s’il y a absence de contexte, de support concret (gestes, mimiques, dessins, etc). Tous les enfants dysphasiques ont des problèmes d’apprentissage ; les troubles dysphasiques évoluent généralement vers des troubles dyslexiques, dysorthographiques… »
Des efforts de remédiation
Diagnostiquer une personne en proie à la dysphasie permet de lui procurer l’accompagnement nécessaire. Et pour un apprenant dysphasique, un bon apprentissage en milieu scolaire dépendra d’une bonne prise en charge par les spécialistes. « La dysphasie ne se guérit pas mais on peut aider l’enfant à pallier le déficit si le repérage, la prise en charge et les rééducations sont précoces et à long terme », soutient la coordonnatrice à ‘‘La CHRYSALIDE’’. Aussi, renseigne Omolola Mireille Adjinda, psychologue clinicienne : « Déceler le trouble assez tôt permet de mettre en place l’accompagnement nécessaire pour y remédier. Car, il peut être sévère et durable, c’est-à-dire débute dès la naissance et est présent tout au long de la vie, de manière plus ou moins prononcée selon la prise en charge durant l’enfance ».
Pour à l’orthophoniste Edith Choukpa, pour accompagner l’apprenant dysphasique, il convient de « commencer à évaluer les capacités de l’apprenant et à partir des difficultés identifiées, élaborer le projet thérapeutique. Ce dernier va s’appuyer sur les capacités identifiées afin de valoriser ce qui existe et de trouver les stratégies qui vont permettre de corriger les difficultés présentées ».
Veiller à une prise en charge intensive minimum 3 fois chaque semaine, faire des séances avec des pauses, adapter son discours à celui de l’apprenant, introduire des systèmes de communication augmentatifs (canal visuel, mélodie, support kinesthésique…), privilégier le langage écrit (la lecture qui est un véritable outil de rééducation), travailler par opposition (phonologie lexicale et syntaxique), travailler une notion à la fois allant du plus simple au plus complexe, faire le travail des praxies [coordination normale des mouvements volontaires, ndr] précocement avec miroir. Ce sont autant de dispositions à prendre, selon l’orthophoniste, pour accompagner l’apprenant dysphasique.
Par ailleurs, l’accompagnement des apprenants par une prise en charge n’est pas la seule piste à exploiter pour leur permettre un bon apprentissage. Il faut une orientation des acteurs du monde scolaire, précisément les enseignants sur les aptitudes à avoir.
Conseils aux enseignants
L’encadrement d’un apprenant atteint de troubles d’apprentissage peu importe sa dénomination passe aussi par le suivi de son enseignant et l’intérêt particulier qu’il accorde à cet élève. Dans le cadre de l’apprentissage, les enseignants appelés à faire face à des apprenants dysphasiques doivent adopter certaines aptitudes lors de l’apprentissage. Pour Omolola Mireille Adjinda, psychologue clinicienne face à cette catégorie d’apprenants, l’enseignant doit « essayer de comprendre l’enfant malgré ses difficultés de communication, ne pas culpabiliser la famille. Après le diagnostic, il faut un projet personnalisé de scolarisation. Ce projet va permettre de préciser les attentes et les objectifs de travail de chacun des partenaires intervenants (enseignants, parents, soignants), de solliciter les aides indispensables (humaines, matérielles), le choix d’outils pédagogiques appropriés sur les conseils des professionnels ». A en croire l’orthophoniste Edith Choukpa, il revient à l’enseignant « d’identifier les difficultés de l’apprenant, de l’orienter vers le professionnel de santé, d’être en contact permanent avec le professionnel de santé, de faire preuve de patience et d’accorder si possible du temps à l’apprenant ».
Se référant aux déconvenues que peut avoir la dysphasie sur ses sujets, Omolola Mireille Adjinda se veut plus claire et précise : « D’autres troubles peuvent apparaître comme les conséquences de la dysphasie. Il y a le trouble d’abstraction, la persévération orale, la graphique, la motrice, la rigidité cognitive, le trouble de la perception du temps (difficultés à séquencer), les difficultés praxiques que sont les difficultés de perception spatiale (organisation gestuelle, graphisme) de même que les problèmes de comportement en rapport avec les troubles de compréhension et d’adaptation à une nouvelle situation et des difficultés sociales dues aux troubles du langage ». Pour la psychologue clinicienne, « la prise en charge est importante ». Les spécialistes qui peuvent intervenir sont le neuropsychologue pour un bilan complet, l’orthophoniste, le psychomotricien, le psychothérapeute pour les rééducations indispensables. S’appuyant sur les propos de la psychologue clinicienne, Edith Choukpa, l’orthophoniste va conclure en soulignant qu’ « une prise en charge précoce est gage de meilleurs résultats ».
Gloria ADJIVESSODE