Professeur Gouda Souaïbou, à propos du sport scolaire : « La vision, c’est de parfaire l’intégration sociale »

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La pratique du sport est une chose capitale pour les apprenants, car il permet de développer en eux plusieurs aptitudes. A partir de la compréhension qu’il faut avoir du sport scolaire, le professeur Gouda Souaïbou, enseignant du supérieur à la retraite et ancien directeur de l’Institut national de jeunesse et d’éducation physique et sportive (INJEPS), apprécie la pratique du sport en milieu scolaire, puis lève un coin de voile sur les politiques et réformes actuelles concernant le sport scolaire au Bénin. Lisons ensemble !

Educ’Action : Qu’entend-on par sport ?

Professeur Gouda Souaïbou : La définition du sport n’est pas précise. C’est une définition au sens large et ensuite nous pouvons donner la définition au sens spécifique. Au sens large, c’est l’ensemble des activités physiques que nous pouvons organiser, c’est-à-dire sur un plan local, fondé sur les traditions (porter, marcher, sauter, faire la chasse, etc.). La réglementation n’est pas institutionnelle, universelle. Donc, il y a des règles qui ne sont même pas écrites, mais les gens savent comment ces activités fonctionnent. Les activités physiques ont pour effet d’agir sur l’ensemble du comportement moteur, c’est-à-dire physique. Toutefois, nous n’excluons pas l’aspect mental parce que le mental accompagne toujours le physique.
Avec le temps, l’institution sportive française va définir le sport comme des activités institutionnalisées. Quand nous disons football, par exemple, les terrains de football obéissent à des normes ; les terrains de basket obéissent à des normes ; l’athlétisme, les pistes, ce sont avec des normes. Vous allez en Angleterre, en France, vous venez au Bénin, vous allez au Cameroun, au Congo, vous verrez les mêmes règles, donc c’est universel. Progressivement, tout va se rejoindre et nous mettons le sport dans un gros ensemble que nous avons appelé sciences et techniques des activités physiques et sportives.

Quel est le rôle que joue le sport dans l’éducation et la formation des apprenants ?

Avec l’avènement des nouveaux programmes au primaire, j’ai travaillé à montrer que l’apprentissage intellectuel (mathématique, physique, français etc.) vient après l’activité, c’est-à-dire le mouvement, l’action. Quelqu’un qui ne peut pas bouger, qui ne peut pas s’orienter, savoir qu’ici c’est le haut, c’est le bas, par là c’est la gauche, c’est la droite, comment il va écrire ? Il ne peut pas écrire parce que l’écriture et la lecture restent une convention.
Un exemple : quand on prend la lettre q, quand on l’écrit comme un p renversé, c’est un d renversé, c’est un b renversé, mais pourquoi ne lit-on pas de la même manière ? C’est parce que ça dépend de la manière dont nous vous présentons cela. C’est plutôt une question de structuration, c’est-à-dire comment nous structurons l’espace dans le temps. Il n’y a pas que les mathématiques qui vous apprennent cela ou bien le cours de français, mais vous avez besoin de ces bases pour faire vos cours de mathématiques. Quelqu’un qui n’a pas assimilé, qui a des problèmes de dyslexie au niveau du primaire, il sera incapable de faire la suite. Donc tant que les gens ne comprennent pas ces choses au niveau des écoles normales, vous voulez quoi ? Quelqu’un qui n’a pas fait EPS lui-même pendant sa formation et qui devient professeur de mathématiques, si nous lui disons qu’il faut faire EPS, il va trouver cela incohérent.
Pour mon cas, j’ai été puni tout le temps parce que je venais du Lycée Mathieu Bouké de Parakou pour Porto-Novo ici pour faire les compétitions. J’étais en conflit permanent avec mon prof de maths, avec mon prof de physique. Ils estimaient que je suis un garçon inconscient et que je suis irresponsable, je perds mon temps, tout mon temps à jouer, à dire que je vais jouer. Mais finalement, j’ai rencontré le professeur de physique qui était directeur dans un collège ici à Porto-Novo. Moi, j’avais fini ma formation à l’extérieur, j’étais dans une commission d’inspection. Nous Sommes allés dans son collège. Mais il m’a demandé si je faisais partie des membres de la commission. Parce que pour lui, je ne suis pas celui qui doit réussir au Bac pour aller faire une formation et devenir professeur jusqu’à venir faire une inspection chez lui puisque j’étais dans le sport. Donc j’ai répondu que je suis membre de la commission et que je suis professeur certifié comme lui. D’ici là, on peut me nommer directeur d’établissement. Donc vous voyez c’est une affaire de perception, de vision et de formation. Voilà que mon enseignant lui-même dans sa formation n’a jamais su qu’on peut passer par l’éducation physique et devenir un cadre responsable en maths, en physique, en physiologie, en anatomie, en sociologie, etc.

De par vos expériences en matière d’éducation, comment appréciez-vous la pratique du sport en milieu scolaire au Bénin ?

C’est un cours comme l’anglais, comme le français ou bien les autres cours. Ici, quand nous parlons de sport scolaire, nous ne sommes plus dans le cours qui se dispense dans la classe. C’est l’utilisation des activités sportives pour régler des problèmes extra-scolaires. Extra-scolaire dans le sens où ce n’est pas ce qui se dit entre les quatre murs. C’est en rapport avec l’insertion sociale. Comment préparer l’enfant à rentrer dans sa communauté, acquérir les valeurs de son milieu et fonctionner avec ces valeurs.
Nous devons faire la distinction entre l’éducation physique, le cours, la discipline d’enseignement, et maintenant les associations sportives que nous créons dans chaque établissement pour permettre à l’enfant qui a du talent de le développer. S’il n’en a pas, il a l’occasion au moins de découvrir l’activité. Il l’a vue peut-être en EPS, mais s’il veut s’améliorer, il vient en AS (Association Sportive). En effet, il aura un encadreur qui n’est pas le généraliste de l’éducation physique, mais plutôt un spécialiste de l’activité qu’il a choisie.
Le sport scolaire devrait permettre d’appuyer l’activité des fédérations parce que quand l’enfant est bon dans le sport scolaire, les responsables des fédérations ou des équipes nationales qui ont l’occasion de voir les championnats scolaires, vont œuvrer à ce qu’on l’incorpore dans les équipes de jeunes de l’autre côté pour qu’un club continue la formation. Désormais, il doit y avoir une fonction qui permet de mettre en lumière le jeune homme qui, pour le moment, n’est pas forcément le type intéressant, mais nous savons que celui-là, a du potentiel. Si nous l’encadrons, si nous le motivons, nous allons pouvoir en tirer vraiment un grand profit. Donc, il y a la nécessité d’avoir dans chaque établissement une association sportive qui est pluridisciplinaire, c’est-à-dire, qu’au sein de cette association sportive, vous avez les sections, comme l’athlétisme et tout le reste.
Maintenant, les difficultés viennent du fait que, à un moment donné, les enseignants d’éducation physique sont en nombre insuffisant et les spécialités ne sont pas suffisamment travaillées non plus. Par exemple, quelqu’un peut être professeur d’EPS et ne pas être spécialisé dans une discipline. Et cela fait du tort, car s’il y a un seul enseignant d’éducation physique dans un collège, il ne peut pas être spécialiste de toutes les disciplines sportives.

Avec les politiques ou les réformes actuelles, qu’est-ce qu’il faut faire pour que le sport en milieu scolaire soit mieux considéré ?

Dire ce qu’il faut faire, c’est difficile parce que les idées ne tombent pas du ciel.
Il faut vraiment une approche en termes de discussion, des débats. Ce n’est pas à un individu de se lever, pour prétendre que son idée est ce qu’il faut pour le pays, non. Il faut que les différents partenaires, toutes les parties concernées s’associent pour définir une politique en matière de sport pour le pays. Il doit avoir une dimension où nous nous interrogerons sur ce que seront les programmes, les contenus de programmes d’éducation physique, ceux qui iront enseigner, quel type de formation va leur être donnée. Et vous avez une école, si c’est pour former, il suffit de définir les missions, les attributions que vous voulez à la fin. Les spécialistes, les experts de l’école vont vous dire s’il en est ainsi, c’est en deux ans, trois ans, une semaine, deux semaines. Donc c’est à l’État de définir également toute une démarche, des principes des orientations pour déterminer les profils des personnes pouvant exercer dans un secteur précis. En outre, pour un meilleur essor du sport scolaire, les enseignants qui y interviennent, les chefs d’établissement et le ministère ou les ministères des enseignements primaires, secondaires et supérieurs vont être associés, le comité olympique de même sur la définition du programme et de la démarche qu’il faut appliquer.
La vision, la vocation du sport scolaire, c’est d’abord l’éducation. Ce n’est pas la performance. C’est toujours pour parfaire le leadership, l’intégration sociale, les valeurs de la communauté.
Actuellement, il a été décidé de créer des classes sportives. Mais la création des classes sportives ne doit pas nous amener à supprimer les associations sportives. Il y a une réorientation, parce qu’au début, l’impression que les gens ont, c’est que la création des classes sportives doit conduire à l’abolition des associations sportives. Et les enseignants d’EPS dans les établissements ne s’occupaient plus des AS, les chefs d’établissement ne s’en occupaient plus. Ils ont même été plus loin en estimant que les classes sportives ne relèvent pas des attributions des chefs d’établissement, des inspecteurs de l’enseignement secondaire, du ministère de l’enseignement secondaire. Le ministère des sports s’en occupe, tant mieux. Il ne s’agit pas de dire que les AS ne doivent pas exister, mais créer une structure qui va les renforcer, qui ira au-delà de ce que les AS auraient donné comme résultat. Avec une sorte de détection ou de recrutement, nous pouvons regrouper les gens dans les collèges pour leur trouver des encadreurs dans différentes disciplines, des spécialistes. En réalité, ce sont la méthode et la façon de fonctionner qui ont beaucoup plus posé problème.
Je crois que le Bénin a quand même été un des pays pionniers qui a choisi de former les cadres de haut niveau. Maintenant, c’est le moment d’utiliser ces cadres de haut niveau dans les tâches de réflexion, dans l’élaboration de ces genres de projets.

Qu’est-ce que vous diriez pour encourager la pratique du sport chez les apprenants ?

Je ne pense pas que ce soient les pratiquants qui hésitent. Je crois que ce sont nous les adultes qui sommes en retard par rapport à leurs demandes. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin d’aller faire une sensibilisation ou une campagne pour dire aux enfants d’aller au sport. Non, la télévision, les communicateurs ont déjà réglé ce problème. Si vous allez faire un véritable test, une enquête d’opinion aujourd’hui pour l’entrée à l’université, vous verrez que pour l’INJEPS, la demande serait en troisième, pire en quatrième position. Or, il y a eu en France ces dernières années, une année où c’est venu en première position. Mais vous vous imaginez aujourd’hui ce que nous voyons à la télé dans les compétitions internationales, les matchs de foot, les différents championnats, l’argent que les gens gagnent au tennis, au basket américain ? Seulement le paradoxe est que par ici en Afrique ou au Bénin, si jamais par malheur vous avez un accident, on vous laisse à vos parents uniquement.
J’ai observé depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui, l’effort personnel du président de la République, le président Patrice Talon. Nous pouvons ne pas aimer sa politique, mais constatons tout au moins ce qu’il a mobilisé comme ressource, ce qu’il a mis en place comme infrastructure pour la promotion du sport. Reconnaissons-lui ça et faisons-en sorte que cela ne se joue pas contre nous après. Parce qu’on dira après, que tant de milliards ont été mis à disposition, mais qu’en avons-nous fait ? Nous n’avons aucun résultat. Je pense qu’il faut faire en sorte au moins que cela profite à la jeunesse béninoise, au sport béninois, à l’éducation physique. Mais sur cet aspect, je ne sens pas ce frémissement-là. Il y a aujourd’hui une volonté. Personnellement, je me plaignais de ce qu’on ne mette pas assez d’argent, qu’il manquait de volonté politique. Mais les donnes ont changé aujourd’hui.
Il ne suffit pas de faire des déclarations d’intentions, il faut des documents écrits, qui déterminent la politique, la ligne à suivre par le gouvernement du Bénin. Et cela doit être aussi débattu au niveau de l’Assemblée. Les représentants de la nation doivent débattre du sujet, c’est ça que le gouvernement a proposé, nous sommes d’accord, nous pouvons améliorer ceci ou cela est à renforcer, etc. Il faut quand même une certaine stabilité, tant au niveau de l’économie, de l’agriculture, de l’éducation. C’est la même chose pour le sport. Le sport n’est plus une matière banale. Il ne doit pas être géré dans l’improvisation, dans l’approximation.

Propos recueillis par Obed SAGBO

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