Elu à l’Académie Africaine des Sciences (AAS), le professeur Romain Lucas Glèlè Kakaï Agbidinoukoun incarne une génération de chercheurs africains déterminés à conjuguer excellence académique et impact dans la société. A travers son parcours exemplaire et sa vision ambitieuse pour la recherche, il appelle à une Afrique scientifique plus forte, plus visible et plus solidaire. Entretien !
Educ’Action : Avec plus de 7 000 citations, 20 thèses de doctorat dirigées, plusieurs distinctions internationales, votre élection à l’Académie africaine des Sciences semble une suite logique. Comment percevez-vous cette distinction dans votre parcours et pour la visibilité de la recherche béninoise ?
Professeur Romain L. G. K. Agbidinoukoun : Mon élection à l’Académie Africaine des Sciences (AAS) est pour moi une immense source de reconnaissance et d’humilité. C’est une étape importante dans un parcours guidé par la passion de la science et la volonté de contribuer au développement de l’Afrique à travers la production de la connaissance. Le Bénin, malgré ses ressources limitées, regorge de talents et de chercheurs dont l’impact dépasse souvent nos frontières, mais qui ne sont pas suffisamment soutenus dans leurs activités. Être reconnu par l’AAS, c’est montrer que nos institutions de formation, nos laboratoires et nos jeunes chercheurs peuvent produire de la science de qualité internationale, dans des domaines aussi stratégiques que l’agriculture durable, la santé publique et la gestion des ressources naturelles. Cette reconnaissance souligne que la production scientifique n’a pas seulement vocation à remplir des bibliothèques, mais doit servir de levier pour répondre aux défis concrets de notre société. En résumé, cette distinction est pour moi un encouragement à persévérer, une responsabilité accrue envers la jeunesse scientifique, et une opportunité de porter encore plus haut la voix de la science béninoise et africaine sur les grandes scènes internationales.
Quelle sera votre partition à l’AAS pour une recherche africaine plus influente et compétitive sur la scène mondiale, notamment dans le domaine des mathématiques appliquées à l’agriculture, à l’environnement et à la santé ?
Mon engagement au sein de l’Académie Africaine des Sciences s’inscrira dans la dynamique de renforcer l’influence de la recherche africaine en misant sur trois axes : la production scientifique de qualité dans les revues internationalement reconnues et la structuration des réseaux thématiques panafricains. Je compte encourager des initiatives collaboratives axées sur la co-construction de projets par des équipes africaines. L’objectif est de produire des résultats visibles, à fort impact, capables de répondre aux standards scientifiques internationaux tout en étant pertinents pour nos contextes locaux. Enfin, je contribuerai à positionner davantage la recherche africaine dans les grands débats scientifiques mondiaux. Cela passe non seulement par la publication dans des revues internationales, la participation active aux conférences mondiales, mais aussi par le plaidoyer pour un financement accru de la recherche africaine par les Africains eux-mêmes.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes chercheurs africains qui aspirent à combiner excellence académique et impact sociétal ?
À tous les jeunes chercheurs africains, je voudrais adresser un message simple mais fondamental : formez-vous et croyez en la puissance de votre engagement et en l’importance de votre contribution au monde. La quête de l’excellence académique doit être nourrie par une conscience profonde que la recherche n’a de véritable valeur que lorsqu’elle s’ancre dans l’amélioration du bien-être de nos sociétés. L’impact sociétal ne s’oppose pas à l’excellence scientifique ; au contraire, il en est souvent le prolongement naturel. Chaque article, chaque projet de recherche, chaque formation est une pierre posée dans l’édifice de l’Afrique que nous construisons ensemble.
Réalisation : Romuald D. LOGBO