Séances de renforcement des capacités des apprenants, les cours de vacances sont organisés dans des écoles publiques et privées. Seulement, un suivi rigoureux n’est pas fait au point où certains apprenants servent de cobayes pour des promoteurs de ces cours de renforcement. Votre journal Educ’Action a fait une incursion dans le monde des promoteurs et des enseignants retenus pour assurer ces cours. Reportage !
Nous sommes au Collège d’Enseignement Général Fiyégnon, le lundi 02 août 2021. Il est 08 h 10 minutes, la cour du collège est remplie d’apprenants et de quelques motos. Dans un coin à l’entrée du portail de l’administration, un petit groupe de jeunes se bousculent devant une table derrière laquelle se dresse un homme de la cinquantaine. Ils sont venus pour s’inscrire aux cours de vacances. Dans l’une des salles de classe, un apprenant dessine le schéma d’un circuit électrique au tableau chiffon en main gauche. « Qui peut mieux faire ? », demande l’enseignant. « Moi monsieur ! Moi monsieur ! Moi monsieur ! », répondent en chœur les apprenants, leurs index en l’air. Après deux heures d’activités pédagogiques, ils sortent des classes pour marquer une pause. C’est l’heure de la récréation.
« Je me suis inscrit aux cours de vacances pour avoir une idée des notions que je vais découvrir à la rentrée », fait savoir Crestmi Adandé Affognon, élève en classe de 2nd pour situer sur les raisons de sa participation aux cours de vacances. Crédo Léonce Adanohoun, également en classe de 2nd ne dit pas le contraire. Du haut de ses 1m 50, le jeune homme, habillé en tee-shirt rouge, affirme : « Si je me suis inscrit, c’est pour renforcer mon niveau, surtout en Sciences Physiques et en Mathématiques qui sont pour moi des matières importantes. Je veux bien comprendre les choses avant la rentrée, surtout que je vais dans un lycée technique ».
Tout comme Crestmi et Crédo, ils sont nombreux, ces apprenants à troquer leur temps de répit et de distraction contre les cours de vacances. Ces cours sont souvent organisés pour une durée d’un mois afin d’aider les apprenants à remédier à leurs lacunes, d’une part, et de leur donner un aperçu des notions à développer en classe supérieure, d’autre part.
Renforcer les capacités dans les matitières primordiales…
« C’est un petit temps de renforcement des capacités intellectuelles des apprenants afin de les amener à avoir une idée de ce qui les attend dans la classe qu’ils vont entamer à la rentrée prochaine », explique Sévérin Jabou, professeur de philosophie dans les collèges. « Les cours de vacances sont destinés aux apprenants qui passent en classe supérieure dans l’espoir de les éclairer sur les premières notions qui leur seront enseignées pendant le premier trimestre de l’année scolaire. Donc dans une certaine mesure, les redoublants n’en ont plus besoin forcément », dira, pour sa part, Francis Tchidi, promoteur des cours de vacances, renseignant ainsi sur la cible à laquelle sont destinés ces cours. Propos relativement soutenus par Norbert Loko, censeur adjoint du CEG Fiyégnon. « Ces cours sont organisés durant les vacances dans le but d’éviter que les apprenants désapprennent. Ils ont environ trois (03) mois à passer à la maison et pour la plupart, ils ne se donnent qu’aux activités ludiques. Donc ces cours sont organisés pour les maintenir toujours dans la dynamique du travail », a-t-il affirmé.
Au cours de ces séances de renforcement, une priorité est donnée à des matières selon le niveau d’études des apprenants. Il est un secret de polichinelle que la lecture et les mathématiques restent les « bêtes noires » des apprenants, surtout ceux des cours primaires. Ce constat ne laisse pas indifférent les promoteurs des cours de vacances qui mettent un accent sur ces disciplines. Au cours secondaire, d’autres disciplines s’ajoutent. « On enseigne les matières de compréhension qui posent souvent problème aux apprenants à savoir les mathématiques, les sciences physiques, l’anglais, le français », a cité Norbert Loko. Présentant visiblement une plus-value pour les apprenants, ces cours de vacances peuvent servir à d’autres fins.
Les cours de vacances, un couteau à double tranchant
Ces cours sont à la portée de qui veut s’entraîner pour être enseignant ou pour régler les problèmes pécuniaires. Sévérin Jabou, professeur de philosophie, se rappelle de son expérience lors de ses premiers essais en tant qu’enseignant durant les cours de vacances. « Quand j’étais encore élève en classe de 1ère, j’ai été sollicité pour donner des cours aux apprenants de la 5ième pendant des cours de vacances organisés par certains grands frères », a-t-il dit. Des étudiants qui ne maîtrisent pas la pédagogie, se présentent devant les apprenants pour leur administrer des cours. L’objectif est précis, selon le censeur Norbert Loko. « Il est constaté aujourd’hui que des individus décident, à eux seuls, d’organiser les cours de vacances. Dans ce cas, ils négocient un cadre. Pour garder les recettes, ils recrutent les enseignants qui ne seront pas trop exigeants en termes de rémunération. C’est ainsi qu’ils vont chercher des personnes qui n’ont pas les compétences nécessaires pour enseigner », constate-t-il avant de souligner que c’est le défaut de suivi et d’évaluation de l’impact de ces activités qui font le lit à cette pratique.
A la lumière de ces propos, on retient que le favoritisme, le népotisme voire le clientélisme sont les maîtres mots de quelques promoteurs des cours de vacances sur le terrain. « C’est déplorable aujourd’hui de constater qu’il y a certains groupes de jeunes étudiants qui n’ont pas le bagage pédagogique mais se lancent dans ces activités juste pour se faire de l’argent », laisse entendre Francis Tchidi, promoteur de cours de vacances mettant ainsi le curseur sur les risques que courent les apprenants. Il ajoute, par ailleurs, que le manque de pédagogie et de professionnalisme s’observe aussi dans le rang de certains enseignants lors des cours de vacances. Par contre, d’autres personnes ayant une vocation pour l’enseignement acceptent de participer à ces cours de vacances pour se familiariser avec le métier. « Il y a aussi une autre catégorie d’individus qui aspirent au métier d’enseignant. Ils profitent de ces temps de pause pour organiser les cours de vacances pour s’entraîner à la chose », confie Sévérin Jabou avant de déplorer le fait que le sort des apprenants soit dans les mains d’une personne sans maîtrise des fondamentaux de l’enseignement.
Compte tenu de la non-maîtrise des curricula de formation et de l’inertie de certains enseignants dans le domaine, des ratés s’observent de part et d’autre. « Lorsque la personne n’est pas spécialiste de la chose, il faut s’attendre à des ratés en termes d’accompagnement des apprenants. En effet, elle ne peut pas savoir la pédagogie qu’il faut appliquer pour accompagner les apprenants. Aussi, pour la plupart du temps, le manque de compétences et la non-maitrise de la pédagogie amènent certaines personnes à improviser voire s’inspirer des anciens cahiers pour s’en sortir. Mais il faut savoir qu’aujourd’hui les programmes sont souvent retouchés, améliorés ou actualisés », lâche l’enseignant de philosophie Sévérin Jabou. Il souligne que d’autres enseignants s’appuient sur les anciens cahiers et administrent des cours qui, selon lui, sont souvent en déphasage avec les programmes en vigueur dans les classes. Dans cette condition, la responsabilité des acteurs de la chaîne éducative est engagée.
De la responsabilité des acteurs des cours de vacances….
L’implication des décideurs éducatifs dans l’organisation des cours de vacances semble être la solution pour sauver les meubles. « Nos apprenants d’aujourd’hui seront les cadres de demain. Il faut que les acteurs du système éducatif, les spécialistes de l’éducation prennent conscience de cela et évitent que les cours de vacances soient organisés par des individus non-compétents ou qui parfois ne sont même pas encore dans le domaine. Il faut qu’il y ait des normes qui encadrent cette activité pour le bonheur du système éducatif », insiste l’enseignant Sévérin Jabou tout en invitant ses pairs à éviter de prioriser les intérêts pécuniaires. Même son de cloche du côté de Francis Tchidi. « Pour régulariser les cours de vacances et mettre fin à la pagaille qui s’observe souvent lors de ces activités, il faut l’implication des directeurs d’école, des conseillers pédagogiques et des inspecteurs s’il le faut », souhaite-t-il. La responsabilité des parents est aussi engagée. « Il faut que les parents s’assurent de la qualité des cours de vacances avant d’envoyer leurs enfants pour étudier », déclare Francis Tchidi.

Francis Tchidi
Un avis partagé et soutenu par le censeur adjoint Norbert Loko. « Il revient aux parents de faire le discernement, faire leur propre enquête pour connaître le profil de celui qui organise ces cours de vacances avant d’envoyer leurs enfants. Il faut donc sensibiliser les représentants des parents d’élèves pour qu’ils informent les parents d’élèves afin qu’ils sachent là où envoyer les enfants », propose-t-il comme solution en vue d’un meilleur apprentissage des apprenants.
Silas ADOUKONOU (Stag)