Rayonner à l’international : Un pari pour la musique béninoise

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La promotion de la musique béninoise à l’international est un sujet de préoccupation pour les auditeurs en master de l’ENSTIC. Ils ont, à cet effet, suscité le débat en vue de mettre en lumière les défis et les perspectives de ce secteur en quête de reconnaissance mondiale. C’est à travers une conférence publique qui s’est tenue, le 25 janvier 2025, à l’Université d’Abomey-Calavi.

Journaliste culturel et critique musicale, Jean-Discipline Adjomassokou a ouvert le débat avec un constat sévère : « Il n’y a pas d’école dédiée, pas de théâtre national. Au Bénin, nous n’avons pas d’infrastructures adaptées à la musique. Comment un artiste peut-il créer et diffuser ses idées sans un cadre structuré ? » Ses propos ont résonné comme un appel à l’action pour la mise en place diligente des institutions et des infrastructures essentielles pour dynamiser l’industrie musicale au Bénin .

Les panélistes et les modérateurs de la conférence

Il poursuit en évoquant les lacunes dans la formation des professionnels du secteur, en particulier des managers et animateurs. « Nos artistes manquent de visibilité, parce que ceux qui les entourent, que ce soient les managers ou les animateurs, ne sont pas formés. La musique doit être accompagnée de professionnels qualifiés pour toucher une audience internationale », renseigne-t-il.
Jean-Discipline Adjomassokou a également abordé le problème de l’amateurisme qui prévaut dans le milieu. « Trop souvent, nos artistes se contentent de performances dans les bars, sans stratégie. La vraie carrière musicale nécessite des plans solides et un professionnalisme avéré », fait-il remarquer avant d’ajouter : « Nous n’avons pas de stars mondiales. Le cas de Stan Tohon, qui a su s’imposer, est l’exception, pas la règle. » Pour lui, la musique béninoise reste trop confinée à son statut de niche locale.
Fidèle Dossou, gestionnaire de carrière d’artistes, a pris la parole pour apporter une nuance importante à cette vision. Il a insisté sur le fait que la musique qui perce sur la scène internationale ne se définit pas seulement par ses racines culturelles, mais par sa capacité à s’adapter aux standards mondiaux. « Ce n’est pas parce qu’un artiste vient du Bénin qu’il doit se limiter à un genre particulier. Pour percer à l’international, la musique doit être universelle », a-t-il précisé, en citant des exemples d’artistes comme Fatoumata Diawara et Youssou N’dour dont les carrières internationales sont le fruit d’une approche musicale métissée et stratégique.
Le manager a insisté sur l’importance du rôle des gestionnaires de carrière. « Un manager, ce n’est pas un vendeur d’albums. Il gère une carrière. Il faut des professionnels capables d’accompagner les artistes dans leur évolution », insiste-t-il. Il a également évoqué les difficultés sociales que rencontrent souvent les artistes béninois, qui, dans leur propre pays, sont souvent perçus de manière stigmatisante. « Quand un jeune décide de faire de la musique, il doit traverser tout un processus de stigmatisation familiale et sociale. La musique n’est pas vue comme un métier au Bénin », a-t-il déploré.
Fidèle Dossou souligne également la nécessité de faire évoluer l’image de la musique béninoise à l’international : « Ce qui manque, c’est la visibilité. Les artistes ne sont pas écoutés. Ils doivent être prêts à s’adapter, tout en affirmant leur identité, pour se faire une place sur les scènes internationales. »
Le professeur Bienvenu Koudjo, a recentré le débat sur un point essentiel : la qualité musicale. « La première condition pour rayonner à l’international est une production de qualité. Les artistes doivent accepter les critiques constructives pour s’améliorer », a-t-il déclaré.
Il a également attiré l’attention sur la richesse rythmique du Bénin, trop souvent sous-exploitée et susceptible de devenir des emblèmes identitaires.

Quelques participants à la conférence publique

Les gouvernants invités à mettre la main à la patte

Tony Yambodè, administrateur culturel et touristique et promoteur des espaces Mayton, a évoqué les défis auxquels le secteur fait face : « Nous devons accompagner les artistes. C’est nous qui devons inciter les journalistes à écrire sur nos musiciens. Actuellement, ce sont les médias étrangers qui soutiennent nos talents, alors qu’il faudrait que ce soit d’abord le pays lui-même qui les soutienne. »
Il a également suggéré de mettre en place des plateformes de visibilité pour les artistes béninois. « Par exemple, le FINAB pourrait être une occasion idéale pour promouvoir nos artistes. En Chine, les artistes sont soutenus et ont de la visibilité. Nous devons faire pareil pour nos talents », a-t-il affirmé.
Pour Tony Yambodè, le rôle de l’État est fondamental : « Si nous voulons que nos artistes réussissent à l’international, il faut une politique culturelle claire et des moyens pour la mettre en œuvre. Il faut que les générations futures soient formées et qu’elles aient les ressources nécessaires pour se faire connaître. »
Il a aussi rappelé que la musique, comme tout autre métier, doit être prise au sérieux. « Ce n’est pas juste un passe-temps. Il faut des professionnels, des structures solides, et un soutien gouvernemental pour que nos artistes aient une véritable chance à l’international », exhorte-t-il.
Malgré les obstacles, des progrès peuvent être réalisés si des efforts sont faits pour investir dans la formation, la structuration et l’accompagnement des artistes. Pour les intervenants, il reste encore beaucoup à faire pour permettre à la musique béninoise de briller à l’international, mais la volonté d’agir est manifeste.

Edouard KATCHIKPE

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