Le retard dans les centres de composition des examens de fin d’année se remarque parfois dans le rang des candidats. Ce qui pourrait compromettre leur réussite à l’examen.
Lundi 06 mai 2024. Nous sommes au Lycée Technique Coulibaly à Cotonou. Alors que la première épreuve de l’examen du CAP 2024 s’annonce pour démarrer dans quelques minutes dans ce centre d’examen, Ernest (prénom attribué) fait son entrée très en retard. Entre l’étonnement des responsables de ce centre, les questions qui lui sont adressées ainsi que les commentaires qui accompagnent, Ernest est beaucoup plus préoccupé par la recherche de sa salle de composition. Tout en sueur et presqu’en panique, il fera plus d’une fois, des tours dans différentes directions à la recherche de sa salle de composition avant de disparaître de la cour.
Des scènes similaires se déroulent chaque année dans les centres de composition des examens. Pendant que la majorité des candidats sont installés et rassemblent leur énergie pour affronter les épreuves, d’autres, pour une raison ou une autre, franchissent le seuil du centre de composition avec grand retard. Chose qui ne manque pas de rejaillir négativement sur leur performance pendant la composition.
Entre déconcentration et anxiété
Il y a quelques années en arrière, Cédric a expérimenté le retard durant le premier jour de la composition de l’examen du Baccalauréat. Il raconte son histoire : « J’étais parti pour être à l’heure à l’examen. Malheureusement, la moto (Mate) de papa, s’est bloquée en pleine circulation. On a failli avoir un accident. Avec tout ceci, j’étais déjà dans tous mes états. Papa m’a rassuré que j’irai à l’heure, il fallait trouver un Zémidjan (taxi-moto) pour m’amener au Collège Catholique Père Aupiais, mon centre de composition. Cela n’a pas été facile. » Cette situation l’a beaucoup secoué, a-t-il dit. Pour avoir fait cette expérience, il se rappelle encore les sentiments qui l’avaient animé : « J’étais stressé, j’avais peur, j’étais en sueur, je pleurais même déjà avant de me rendre dans le centre. », a-t-il confié.
Il n’est pas question ici des retardataires qui sont venus après la fermeture du portail du centre de composition. Il s’agit plutôt de ceux qui sont rentrés de manière limité dans le centre d’examen alors que tous les autres candidats sont déjà assis à leur place attendant la distribution des épreuves. Pour les candidats ayant connu ces cas, Bilikis Talibou, docteure en Sciences de l’éducation, atteste que cette situation pourrait avoir des répercussions. « Inévitablement, ces candidats seront stressés, apeurés, chamboulés, pratiquement dans tous leurs états. Le cœur sera palpitant. Ils auront les mains moites ou la sueur qui y dégoulinera », a expliqué le Dr Bilikis Talibou.
Ces états premiers dans lesquels le candidat retardataire se met, entraînent sans aucun doute, d’autres conséquences, notamment sur sa composition. La psychologue Faridath Ibrahim Ahossi les évoque en ces termes : « Il y aura comme conséquences psychologiques l’agitation, le manque de concentration, la mauvaise compréhension de l’épreuve, le trouble de mémoire (oubli de ce qui a été appris), l’anxiété, etc. » Elle poursuit en expliquant que ce candidat pourrait même avoir les maux de tête, des douleurs musculaires, des troubles digestifs. Aussi précise-t-elle que tout ceci pourrait impacter négativement le rendement à l’examen.
Faisant siens les propos de la psychologue, la docteure en Sciences de l’éducation va renchérir. « Le candidat qui au préalable n’aura pas appris la gestion de ces états, va être déstabilisé, il aura un moment de perte de concentration. Dans les premières minutes de l’épreuve, il sera dans l’étourdissement et ne sera pas concentré. Cela peut engendrer un oubli. Non pas qu’il ne connaît pas les réponses mais à cause de cette émotion qui l’a envahi, il n’aurait pas pu se recentrer », a-t-elle ajouté. A la question de savoir si ces émotions pourraient entraîner l’échec chez le candidat, la réponse s’est faite sur deux volets.
Dr Bilikis Talibou, docteure en Sciences de l’éducation
Un apaisement du candidat s’impose pour une bonne composition
Les émotions suscitées par le retard du candidat ou l’oubli de la carte d’identité par exemple ou même d’autres situations susceptibles de désorienter le candidat, peuvent entraîner l’échec de ce dernier comme cela peut ne pas être le cas. Se focalisant sur l’aspect relatif au retard du candidat, le Dr Bilikis Talibou ne manque pas d’expliquer dans quelle condition cela peut engendrer ou non l’échec. Première possibilité, « cela peut entraîner l’échec dans la mesure où, si le retard est sur toute la durée de l’examen, cela suppose que le candidat est resté stressé tout le temps et n’a pas pu se contenir », fait-elle observer. Dans le cas contraire, si ce n’est pas sur toute la durée de l’examen et que c’est juste de manière ponctuelle, un jour quelconque pendant les 3 ou 4 jours de la composition, elle laisse comprendre que « l’apprenant peut peut-être rater des choses dans cette discipline ou peut-être rater complètement cette discipline. Mais cela peut ne pas être une cause majeure de son échec. » En effet, développe-t-elle, pour parler d’échec, il faut forcément regarder toutes les disciplines. L’état émotionnel entrainé par le retard peut impacter l’épreuve dans laquelle le candidat veut composer à ce moment précis. Cependant, s’il se reprend au moment des autres épreuves, l’examen peut être réussi. « L’échec surviendra si le candidat n’a pas pu se reprendre en main, n’a pas pu gérer ses émotions. Si le candidat se focalise sur ce retard, qu’il se dit qu’il ne peut plus rattraper. Surtout s’il n’a vu personne pour l’aider à se reprendre en main, pour le rassurer, l’échec peut survenir », avertit-elle. Elle estime que les surveillants sont assez outillés pour aider les candidats à gérer une telle situation.
Des dispositions à prendre pour éviter de pareilles situations
Le retard, l’oubli de carte d’identité ou d’autres outils indispensables à utiliser pendant les examens peuvent être dommageables pour certains candidats. Pour éviter d’en arriver à ce point, psychologue et le Dr en Sciences de l’éducation préconisent des préalables à faire. En dehors des situations que nous ne pouvons pas toujours contrôler, la psychologue Faridath Ibrahim Ahossi pense que « Le candidat doit éviter les veillées tardives. Il doit apprêter ses affaires, les instruments qui lui serviront pour la composition. Il doit apprêter son imperméable et prendre toute autre disposition de prévention et surtout quitter tôt la maison selon le trajet à parcourir pour se rendre dans son centre de composition ». Elle insiste sur le fait que tout ceci se fera avec l’aide des parents.
Pour sa part, la spécialiste des Sciences de l’éducation, le Dr Bilikis Talibou reconnaît que tout candidat à n’importe quel examen vit une certaine peur, un stress. Mais cela ne doit pas, à l’en croire, inhiber son entrain. « Il faut que les candidats psychologiquement se disent qu’ils ne vont pas à l’examen pour échouer. Jusqu’à ce que la sirène finale ne retentisse, le candidat doit être confiant. Lorsque cette sérénité, cette confiance en soi est établie, tout est fait pour que le doute ne s’installe pas », rassure-t-elle. Pour gérer au mieux le stress, elle conseille que le candidat se déchausse ou qu’il masse sa tempe lorsque le stress vient. Mieux, qu’il prenne des respirations abdominales en inspirant et expirant profondément par le nez. Aussi le rôle des parents est-il capital dans l’accompagnement des candidats afin de leur éviter tout stress.
Faridath Ibrahim, psychologue
Du rôle des parents
Le rôle des parents dans l’accompagnement des candidats est important. C’est ce que pensent fortement les personnes ressources. Les parents doivent être attentionnés et attentifs aux besoins des candidats, vérifier avec eux s’ils sont prêts, les aider à se détendre. Décharger les enfants des travaux domestiques. Veiller à leur santé (consulter pour un petit bilan de santé afin de prévenir et ou traiter les maladies), leur alimentation, les rassurer, leur redonner confiance en soi, les valoriser, les accompagner à apprêter leurs affaires, (outils, carte d’identité, imperméable), organiser le déplacement, prendre les dispositions pour être à l’heure. Ils doivent également veiller à ce que le candidat boive assez d’eau afin d’éliminer les toxines pour éviter de tomber malade. C’est le moment pour eux d’acheter ou de renouveler les matériels dont le candidat aura besoin. Il faut encourager l’enfant parce que l’encouragement est pour le candidat, ce que l’eau est pour la plante. Un enfant qui se sent découragé, lorsqu’on commence à lui dire des mots d’encouragement, cela le revigore, il se sent considéré, il sent qu’on s’intéresse à lui. Ce sont les conseils pêle-mêle à l’endroit des parents.
La psychologue comme le Dr en Sciences de l’éducation ont saisi l’occasion pour prodiguer des conseils aux candidats aux divers examens de fin d’année. Entre autres, poser assez de questions en classe afin de comprendre les notions non encore assimilées. Rependre les exercices, se donner un temps rigoureux pour le travail, se reposer. Et surtout, prendre des dispositions psychologiques de réussite.
Estelle DJIGRI