Les Organisations de la Société Civile (OSC) actives dans le secteur de l’éducation et de la formation sont, depuis quelques jours, préoccupées par le silence lié à l’adoption de la Stratégie de Renforcement des Alternatives Educatives (SRAE). Sylvain Aloubani, le directeur du projet de Renforcement des Organisations de la Société Civile pour la redevabilité des Politiques Educatives et leur Mise en œuvre (PRO-RePEM) au DEDRAS-ONG, revient, via cette interview, sur les détails de cette stratégie. Lisez donc !
Educ’Action : Que peut-on comprendre par alternative éducative?
Sylvain Aloubani : Nous parlons des alternatives éducatives pour toute l’organisation qui tourne autour de l’enseignement autre que l’enseignement formel. En réalité, c’est une éducation non formelle mais bien structurelle qui arrive à regrouper les enfants de 9 à 14 ans. Car, de 5 à 8 ans, il est obligatoire que l’enfant soit à l’école. Mais il arrive que jusqu’à 9 ans et plus, les enfants n’aient pas la possibilité d’aller à l’école. Ce sont ces enfants que les gens regroupent, et qui reçoivent l’essentiel pendant 3 à 4 ans. Il y a même des alternatives éducatives qui ne durent que 9 mois. Donc, c’est une année scolaire que nous appelons la Stratégie Accélérée de l’Education où les enfants, au cours de 9 mois, reçoivent l’essentiel. Après ces 9 mois, ils ont la possibilité de réintégrer le système éducatif, donc le système formel, soit en classe de CE1 ou bien CE2. Mais les autres qui reçoivent les cours pendant 3 à 4 ans, ont la possibilité d’aller passer le CEP, soit pour réintégrer le système formel, notamment le secondaire, ou pour ceux dont l’âge est avancé, d’aller apprendre les métiers ou commencer ce que nous appelons la préprofessionnalisation.
Pourquoi faut-il une Stratégie de Renforcement des Alternatives Educatives?
Il faut une Stratégie de Renforcement des Alternatives Educatives parce que ces initiatives sont nombreuses. Il fallait apprécier ces stratégies ou initiatives pour voir ce que nous pouvons vulgariser, ce que nous pouvons faire pour que l’État béninois puisse l’adopter. Il faut d’abord passer par un diagnostic pour voir ce qui se passe concrètement sur le terrain, ce que nous pouvons retenir de ces alternatives, quoi vulgariser, ce que nous pouvons mettre à l’échelle pour que l’ensemble du pays puisse en bénéficier. Les enfants qui sont hors du système éducatif sont nombreux et il faut vraiment faire en sorte qu’ils soient pris en compte dans ces alternatifs éducatifs. C’est dans ce sens que l’État et ses partenaires techniques et financiers ont œuvré pour la mise en place de cette Stratégie dans notre pays.
Quelle est donc la place réservée à cette Stratégie aujourd’hui ?
Nous pouvons dire que jusque-là, le Gouvernement n’a pas encore adopté cette stratégie, malgré tout ce qui a été fait. Parce que les gens ont mis de l’argent pour élaborer cette stratégie, cela a coûté des millions. Tous ceux qui ont travaillé pour l’élaboration ont été payés. Ce sont des dépenses. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas encore adopté cette stratégie. La communauté et les Organisations de la Société Civile ont appris qu’il y a eu une communication qui est passée en Conseil des ministres sur cette stratégie. Mais, ils en sont sortis sans l’adopter.
Quelles sont, selon vous, les raisons qui militent en faveur de ce silence ?
Je ne peux qu’émettre des hypothèses parce que je ne fais pas partie du conseil des ministres. Je ne sais pas ce qui a vraiment fait qu’ils n’ont pas adopté. Etant donné que ceux qui ont élaboré la stratégie, ont demandé que l’Etat puisse réserver 5% du budget à l’éducation de base, je me pose des questions. Est-ce que nous avons les moyens de vraiment réserver ces 5% pour la mise en œuvre de cette stratégie ? Deuxième chose, le Gouvernement travaille sur la base des priorités et surtout le projet de société ou le Programme d’Action du Gouvernement. Peut-être que cette priorité ne figure pas dans le programme d’action du gouvernement 2021-2026. Certainement qu’ils se disent que s’ils adoptent la stratégie, ce sera une obligation pour eux d’exécuter, de mettre en œuvre pour qu’après les gens évaluent. C’est certainement que nous n’avons pas les ressources nécessaires pour le faire. Ce sont des hypothèses, parce que je ne suis pas membre du Gouvernement.
Un atelier de réflexion a lieu à Ouidah sur la SRAE. Pensez-vous que cet atelier peut faire bouger les lignes ?
Je suis optimiste par rapport à la suite de cet atelier parce que les acteurs se sont retrouvés pour, dans un premier temps, rendre plus digeste cette stratégie de plus de 100 pages. Ils ont fait un résumé qui va permettre de facilement vulgariser cette stratégie. Il y a aussi que ces acteurs se sont retrouvés pour voir dans quelle mesure plaider pour l’adoption de cette stratégie. A travers une émission, les gens ont profité pour faire ce plaidoyer sur la stratégie
En termes de plaidoyer, quelles sont les dispositions prises par la Synergie d’Action pour que la SRAE soit vraiment adoptée ?
C’est l’ensemble de tous les acteurs de l’éducation qui va travailler pour que la stratégie soit adoptée. Les Partenaires Techniques et Financiers accompagnent l’Etat par rapport à ses priorités et, de moins en moins, les PTF investissent dans cette question des alternatives éducatives. Si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités pour pouvoir l’adopter, je crois que les PTF n’auront pas le courage d’endosser cette responsabilité et chercher des financements pour que ces alternatives soient développées dans notre pays, alors que nous avons beaucoup d’enfants qui sont hors du système éducatif.
Que gagnera le Bénin à l’adoption de cette stratégie ?
Les alternatives éducatives permettent d’absorber les enfants qui sont hors de l’école. Et dans la question d’urgence, les alternatives éducatives sont les mieux adaptées. Le Bénin aura beaucoup gagné en adoptant cette SRAE. Par exemple, il y a des écoles dans le Nord qui sont fermées aujourd’hui. Pour scolariser ces enfants, il faut nécessairement qu’on puisse passer par les alternatives éducatives parce que ces enfants qui ont été déplacés, sont regroupés quelque part. Il faut nécessairement qu’on ait la SRAE pour rapidement accélérer leur scolarisation.
Que dire pour conclure ?
C’est d’inviter le gouvernement béninois à vraiment prendre ses responsabilités dans le processus d’adoption de cette stratégie. Je pense que le gouvernement actuel évite de faire des choses à moitié. Nous pensons qu’une fois qu’ils ont dépensé des millions pour élaborer cette stratégie, ils vont tout faire pour qu’elle soit adoptée.
Propos recueillis par Enock GUIDJIME