L’appel des enseignants de l’UAC pour la tenue des états généraux du LMD semble recevoir un écho favorable auprès de leurs collègues des Établissements Privés d’Enseignement Supérieur (EPES). Avec quelques améliorations dans les universités privées, le système LMD est en quête d’harminisation et de performances dans sa mise en œuvre. En réponse, des responsables et enseignants des EPES, tout aussi préoccupés, s’accordent sur l’organisation d’une assise nationale pour réfléchir et améliorer l’environnement et les conditions de déroulement de cette approche educative dans le Supérieur au Bénin. C’est dans ce troisième numéro de la thématisation du mois d’octobre consacrée à l’état des lieux du LMD après une décennie de mise en œuvre.
Autant la révision ou la refonte du modèle Licence-Master-Doctorat préoccupe les enseignants du supérieur du public, en l’occurrence certains de l’UAC rencontrés dans le cadre de cette thématisation, autant il crée l’insomnie pour d’autres dans les universités privées.
Dr René-Kinée Allamagbo, directeur de l’Ecole Supérieure Sainte Félicité, dresse un bilan mitigé du système (LMD) après des années d’implémentation au Bénin. «Tout le monde s’essaie à ce système LMD parce qu’il nous ait parachuté et là, nous le faisons sans nous poser des questions, sans faire le point pour savoir si on est prêt pour le faire. On s’y accroche peut-être parce qu’il y a un intérêt, on ne se demande plus si c’est vraiment intéressant pour tout le monde, si vraiment les conditions sont réunies. C’est souvent notre mal, nous autres colonisés, parce qu’on n’évalue pas les choses comme il faut avant de s’y engager», déclare-t-il, plantant ainsi le décor de la situation du LMD dans les EPES. A l’en croire, dans les universités privées, ce qui se passe est encore mieux parce que les effectifs sont plus ou moins contrôlés et maîtrisés. Les infrastructures sont disponibles et tutoient les normes exigées par ce modèle. «Sans se jeter des fleurs, je dirai que le privé a réussi mieux le LMD que le public. Mais on n’a pas toujours les coudés franches parce qu’on ne nous permet pas de le faire pleinement et d’aller jusqu’au bout du processus. Sinon, comment comprendre que nos étudiants doivent terminer par un examen national? Ce n’est pas ce que prévoit le LMD», relève-t-il. Docteur en Droit Public de l’Université d’Abomey-Calavi et Directeur des Etudes à la Haute Ecole de Commerce et de Management (HECM), Sonny René Nouémou pense qu’il serait trop prétentieux de croire que le LMD est réellement effectif dans les universités privées et pour cause : «Le LMD, tel qu’il a été conçu en Europe, visait à faciliter la mobilité des enseignants et des apprenants, en mettant en place un système harmonisé. Il s’agit de mettre l’enseignement supérieur sur des bases harmonisées et standardisées. Nous avons adopté le système LMD au Bénin depuis plus d’une décennie mais son application laisse encore à désirer parce qu’aujourd’hui, sur la base de ce que je viens d’expliquer, je ne pense pas qu’il y ait encore une telle mobilité des apprenants et des enseignants dans les universités du Bénin. Si cette question n’est pas réglée, on n’est pas encore à proprement parler dans le LMD».
Système LMD dans les EPES : lumière sur les difficultés relevées
Suivant l’éclairage du Dr René Nouémou, des efforts sont faits dans les universités privées en rapport avec les normes exigées, en l’occurrence en termes d’harmonisation des offres de formation et d’infrastructures. Seulement, estime-t-il, les enseignants sont apparemment mal lotis. «Les offres de formation sont beaucoup plus priorisées, puis après les étudiants, mais pas les enseignants. Rien n’est fait au Bénin pour que l’enseignant du supérieur, surtout dans le privé, puisse être épanoui. Rares sont les universités privées qui aujourd’hui recrutent des enseignants permanents. Ce qui pose aussi le problème de la qualité de l’enseignement qui est dispensé. Ce qui fera la différence entre les Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur, c’est la qualité de leurs ressources en termes d’enseignants», informe-t-il. L’autre faiblesse qui prévaut dans les EPES, c’est la question des barèmes de paiement des enseignants, mais aussi la situation des masses horaires des cours qui ne sont pas toujours respectées dans les différents parcours. Sur le sujet, Dr René Nouémou confie : «Les universités privées comme on le dit souvent, vont comme bon leur semble. C’est un marché qui est laissé libre. Les barèmes varient d’une université à une autre et face à cela, l’enseignant n’aura pas toujours le même engouement pour dispenser les cours. Normalement, la Licence ne doit pas avoir un module de moins de 30 heures pour les matières fondamentales. Mais des universités vont en deçà de cette masse horaire».
Des difficultés dans la mise en œuvre du LMD, le directeur de l’Ecole Supérieure Sainte Félicité en rencontre également. Au micro de Educ’Action, l’homme évoque quelques-unes de ces difficultés : «Le LMD, en fait, est un système qui évite aux étudiants le redoublement. Un étudiant qui a fait toute une année et n’a pas réussi, on pense à des passerelles pour qu’il se rattrape quand même et la pratique dans certains pays est telle que les enseignants sont disposés à tout faire pour que l’étudiant comprenne la matière dans laquelle il a des difficultés. Dans certains pays, les enseignants sont pris d’office en charge par l’Etat, et ils font le travail un peu comme un sacerdoce. Chez nous ici, quand vous convoquez un enseignant pour une reprise, vous devrez l’intéresser, parce que c’est peut-être quelqu’un qui est entre deux cours», fait-il remarquer. Il y a quelques difficultés aussi au niveau des reprises, poursuit-il, quand les étudiants doivent reprendre parce qu’il y en a qui fuguent un peu, qui violent et qui ne répondent pas quand il le faut, causant ainsi quelques petits problèmes à leur suivi académique.
Les responsabilités des acteurs situées pour corriger le tir
«Le gouvernement doit tracer une vision globale de ce qui est recherché pour qu’après, les jalons soient posés les uns après les autres jusqu’à ce que les objectifs soient atteints. On ne peut penser à une réforme du jour au lendemain. Il faut y aller progressivement afin de s’assurer d’une structure plus forte et solide. Le deuxième point concerne les promoteurs des EPES eux-mêmes. Ils doivent s’aligner à la réglementation parce que si une université applique les règles tandis qu’une autre ne le fait pas en raison de certaines situations que je passe sous silence, il n’y aura pas de résultats». C’est ce que propose Dr René Nouémou pour une amélioration du système LMD au Bénin tout en exhortant les décideurs à penser à une assise nationale en vue d’évaluer le chemin parcouru dans la mise en œuvre du LMD. Au tour du Dr René-Kinée Allamagbo de renchérir : «C’est une évidence qu’on ne peut pas évoluer dans un système en vase clos. Les étudiants béninois sont appelés à travailler dans des pays étrangers. Donc, s’il y a un système à la mode dans la sous-région, nous africains, souvent on se jette dessus ou on nous l’impose pour plusieurs raisons et on est obligé de le faire quelque fois contre notre gré. Ceci étant, il faut être en phase avec l’évolution. Si naturellement, ce système doit être appliqué convenablement, il faut bien que les acteurs s’asseyent pour réfléchir aux conditions de mise en œuvre pour l’intérêt de tous et surtout pour faire performer l’enseignement supérieur au Bénin. Il faut que les acteurs du système s’asseyent pour réfléchir réellement à ce dont on a besoin en rapport ou non avec le système LMD».
Réalisé par la Rédaction de Educ’Action