Traumatismes des blessures de l’enfance : La violence d’un adulte, signe d’alerte

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Une enfance malheureuse, triste et sombre peut avoir de nombreuses répercussions sur une personne à son âge adulte. Un comportement violent ou une nature agressive peut être la résultante d’une enfance mal vécue. Avec l’aide des spécialistes en la matière, cet article creuse un sujet qui met le curseur sur le mal être de nombreuses personnes orchestré par les violences infantiles subies.

La violence, peu importe la manière dont elle est définie ou le contexte suivant lequel une signification lui est donnée, a une caractéristique principale : l’effet destructeur qu’elle a sur un sujet, qu’il s’agisse du plan physique, psychologique, émotionnel ou mental.

La violence

Selon le dictionnaire Larousse, la violence se rapporte au « caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, brutale et souvent destructrice ». En mettant au centre les interactions humaines dans sa définition, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), quant à elle, va dire de la violence qu’elle est « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ».
Ces définitions mettent en évidence que la violence n’est exercée que par un sujet ayant en sa possession le pouvoir, la force de dominer, de soumettre une autre personne de statut inférieure. Faut-il le souligner, même un enfant peut user de violence sur un autre enfant, a fait savoir SOS Villages d’Enfants International dans son guide pratique « Prévenir et répondre aux violences entre enfants : adopter des comportements protecteurs ». Plus spécifiquement, du point de vue psychologique, la violence met également en exergue une relation de dominant et de dominé. La Dr Ghislaine Karen Toudonou, médecin psychiatre de l’enfant et de l’adolescent renseigne en s’appuyant sur les écrits de Marie-France Hirigoyen (« Violences Psychologiques », Dunod, Paris 2013) que «…dans le sens le plus courant, le terme renvoie à un abus de force ou de pouvoir, qui vient faire effraction dans l’intégrité physique ou psychique de l’autre. Bien plus que le déchaînement physique, ce qui constitue la violence, c’est un mode de relation fondé sur le contrôle et la domination ».

Les violences infantiles

La loi n° 2015-08 portant Code de l’enfant en République du Bénin en son article 2, alinéa 1 stipule que « …on entend par “enfant” tout être humain âgé de moins de dix-huit (18) ans ». Cette définition donnée de l’enfant est également proposée par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) et la Charte Africaine de Droits et du Bien-être de l’Enfant (CADBE) respectivement en leurs articles 1er et 2.
Ainsi, les violences infantiles se rapportant à tout enfant n’ayant pas encore 18 ans, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) les caractérise comme étant « toute forme de mauvais traitement physique, émotionnel ou sexuel que subit une personne de moins de 18 ans. Elle met en péril la santé, la survie et le développement de l’enfant ». Plus loin, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) déclare que les violences infantiles s’entendent de « toutes formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs ; d’abus sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir ». De même, fit-elle savoir, « la maltraitance des enfants est un problème mondial qui a de graves conséquences à vie, pour ceux qui en sont victimes ». (WHO, Maltraitances des enfants, 19 septembre 2022).

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Stéphanie Gbehounhessi, psychologue clinicienne et art thérapeute

Les blessures de l’enfance

Elles naissent des violences infantiles qui sont une succession d’actes de violence auxquels une personne a été exposée ou victime dans son enfance. Pour Stéphanie Gbehounhessi, psychologue clinicienne et art thérapeute « Un enfant qui grandit dans une famille dysfonctionnelle et une famille où les parents ont des excès de colère, une famille où les parents n’arrivent pas à identifier les besoins de l’enfant afin d’y répondre convenablement peut se retrouver blessé psychologiquement. » Mieux, se voulant plus précise et explicite, elle approfondit son raisonnement. « La violence physique regroupe les coups et blessures. Ensuite, la violence verbale regroupe les injures, les blâmes, les critiques puis celle psychologique prend en compte tout attitude et comportement ayant pour but de mettre en danger l’intégrité psychologique ». Aussi poursuit-elle : « Nous avons la violence sexuelle qui regroupe les abus, les dénigrements. Il y a la violence sociale qui prend en compte l’isolement, les critiques venant des amis, tout ce qui amène à s’extraire de son environnement social. Nous avons la violence liée aux nouvelles technologies qu’on peut appeler la cyber violence. C’est l’utilisation des nouvelles technologies dans le but de surveiller, de contrôler ou de harceler ». Allant dans le même ordre d’idée, la Dr Ghislaine Karen Toudonou, médecin psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, quant à elle, fait la part belle entre le milieu intrafamilial et extrafamilial. Elle explique que dans le milieu intrafamilial, l’enfant peut être sujet à des violences physiques, sexuelles, psychologiques ou traitements négligents. Ces violences, souligne-t-elle, regroupent entres autres, « une agression sexuelle sur sa personne par l’un de ses parents géniteurs, un autre adulte de la famille ou dans la fratrie ». Mais aussi du point de vue psychologique, « toutes les formes d’interactions persistantes avec un enfant dans le but de l’effrayer, le terroriser, le menacer, l’exploiter, le corrompre, le rejeter, l’isoler, le ridiculiser, l’ignorer niant ses besoins, les insultes. L’isolement ou les conditions de détention dégradantes ou humiliantes, l’intimidation et le harcèlement par des adultes ou d’autres enfants de la famille, y compris par le biais des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), tels les téléphones mobiles et l’internet ». En termes de négligence ou traitements négligents poursuit la Dr Ghislaine Karen Toudonou : « C’est l’échec d’assurer les besoins physiques et psychologiques des enfants, de les protéger contre un danger ou de leur délivrer des soins médicaux, de leur permettre d’accéder à des services quand les personnes qui en sont responsables (en l’occurrence les parents) ont les moyens, les connaissances et l’accès aux services pour le faire. Cela comprend la négligence physique, psychologique ou émotionnelle intentionnelle (manque d’affection, manque d’appui émotionnel ou indisponibilité émotionnelle, manque chronique d’attention, indifférence aux signaux lancés par l’enfant), la négligence de la santé mentale de l’enfant, la négligence éducative », a-t-elle renseigné. Hors du cadre familial, explique la psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, tous les faits évoqués plus haut sont d’actualités et sont orchestrés par des adultes ayant à charge de veiller sur l’enfant, ou des pairs (milieu scolaire).

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Laurent Bègue-Shankland, professeur de psychologie sociale

Un enfant blessé psychologiquement

Dès l’instant où l’enfant commence à se sentir brimé, blessé physiquement comme émotionnellement, plusieurs signes et comportements le démontrent. Comparé à ses pairs dont l’enfance est épanouie et équilibrée, ce dernier est susceptible de se comporter différemment et de trainer des traumatismes. Stéphanie Gbehounhessi, la psychologue clinicienne et art thérapeute explique que l’on peut reconnaitre un enfant blessé psychologiquement à travers son comportement et ses dires. Ainsi, a-t-elle souligné : « Un enfant qui s’isole, reste dans son coin montre déjà des signes d’alarme. Un enfant qui est agressif envers lui-même, violent envers lui-même, envers les autres, les camarades, ne veut pas respecter l’autorité, un enfant qui parle mal de lui-même, qui n’arrive pas à prendre des initiatives, participer aux jeux, ou à des activités avec d’autres enfants montre déjà qu’il n’est pas épanoui ». Pour renchérir les propos de la psychologue, la Dr Ghislaine Karen Toudonou, médecin psychiatre de l’enfant et de l’adolescent dit de ce type d’enfant qu’il « va présenter des comportements violents à son tour et/ou des comportements antisociaux, il va devenir anxieux et peut même faire une dépression (avec tristesse de l’humeur ou des troubles dans le comportement), être dans l’hypervigilance et constamment sur le qui-vive (surtout dans les situations d’agression sexuelle) ». A cela peut s’ajouter l’indifférence affective, des refus alimentaires, ou à l’inverse des excès alimentaires, des troubles dans le sommeil, une altération dans le développement, une baisse des résultats scolaires, voire un échec scolaire sans oublier des problèmes d’estime et d’acceptation de soi.

Quand l’agressivité de l’adulte est liée à son enfance

Une enfance mal vécue peut avoir des retombées tout au long de la vie. Et comme l’a si bien souligné l’OMS, « la maltraitance des enfants est un problème mondial qui a de graves conséquences, à vie, pour ceux qui en sont victimes ». De ce fait, une personne à l’âge adulte avec un être intérieur blessé traine le plus souvent des séquelles qui perturbent son comportement, ses dires, faits et gestes qui ne sont parfois pas compris par le plus grand nombre, pire mal perçus. Le plus souvent, les personnes violentes sont perçues comme étant des gourous par leur entourage. Pourtant ce comportement peut avoir une cause profonde liée à l’enfance. Dans son ouvrage intitulé, « De l’enfant à l’adulte violent » Laurent Bègue-Shankland, professeur de psychologie sociale à l’université Grenoble-Alpes précise que « les comportements agressifs à l’âge adulte ont souvent leurs racines dans l’enfance ». Par cette affirmation, ce dernier a démontré en premier lieu que le sentiment d’exclusion chez un enfant est l’un des facteurs de risque les plus couramment associés à la violence extrême car créant un sentiment de frustration. Abordant dans un second temps les variables familiales, Laurent Bègue-Shankland renseigne que les relations intrafamiliales peuvent contribuer à nourrir une extrême violence chez l’enfant qui peut le maintenir jusqu’à l’âge adulte. Pour lui, la famille participe à la violence chez l’enfant devenu adulte de deux manières. Ainsi explique-t-il premièrement, « le cadre familial constitue la matrice principale du développement émotionnel de l’enfant. Les caractéristiques des échanges quotidiens entre les membres de la famille ont donc un effet important sur le sentiment de sécurité et les capacités relationnelles des enfants ». Secondo, souligne-t-il, « la famille représente un lieu d’apprentissage possible de la violence comme auteur ou victime. La valorisation ou la désapprobation de la violence par les parents façonnent considérablement les conduites quotidiennes de leurs enfants. Les enfants rejetés par leurs parents, se révèlent plus hostiles et agressifs que les autres ». Pour appuyer ces propos, l’OMS évoque qu’ « un enfant maltraité est plus susceptible d’abuser des autres à l’âge adulte, de sorte que la violence se transmet d’une génération à l’autre ». La Dr Ghislaine Karen Toudonou, Médecin Psychiatre de l’enfant et de l’adolescent dira pour sa part, que la maltraitance est une « porte ouverte à la consommation de substances psychoactives de l’enfance/adolescence à l’âge adulte (alcool, tabac et autres drogues), le développement d’un comportement agressif envers le/la conjointe et les enfants ».

Autres impacts

Hormis la violence, l’adulte trainant les blessures de l’enfance est également confronté, aux dires de Stéphanie Gbehounhessi, psychologue clinicienne et art thérapeute, à la peur de l’abandon qui le conduit à une dépendance affective, des difficultés à résoudre des conflits avec pour seule option la violence, le rejet de soi avec un sentiment d’insuffisance et d’incapacité à faire face à la vie. Également, développer plus tard des relations insécures, avoir du mal à faire confiance aux autres, à ses proches, la dépression et une faible estime d’eux-mêmes et la peur de l’inconnu.

Traitements

Mettre en place un accompagnement psychologique et/ou psychiatrique pour un suivi psychothérapeutique est nécessaire de l’avis de la Dr Ghislaine Karen Toudonou, Médecin Psychiatre de l’enfant et de l’adolescent. Quant à Stéphanie Gbehounhessi, psychologue clinicienne et art thérapeute, au-delà du fait que celui qui souffre d’une blessure psychologique doit en premier lieu prendre conscience de son problème, il doit accepter les ressentis qui vont avec le type de blessures dont il souffre. Puis se faire accompagner par un psychologue en psychothérapie. Mais aussi, « pratiquer de l’autocompassion, prendre soin d’elle-même, faire des exercices physiques, avoir une alimentation équilibrée, avoir des pensées positives et être patient ».

Devoir des parents

Pour éviter aux enfants des blessures de l’enfance qui puissent impacter leur âge adulte, la psychiatre Ghislaine Karen Toudonou et la psychologue Stéphanie Gbehounhessi s’accordent pour demander aux parents d’aller au-delà de la présence physique et d’être disponibles de façon affective et émotionnelle aux côtés des enfants.

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Gloria ADJIVESSODE

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