L’entrepreneuriat est une piste pouvant sortir les jeunes du fléau du chômage engendré par un système éducatif obsolète. C’est l’une des thématiques abordées dans le livre « Tu m’aimes trop tard » de Akouélé Perpétue Dossouvi. Allons à sa découverte !
Partir de la littérature de rose pour amener les lecteurs à se questionner sur plusieurs préoccupations majeures de la société béninoise. Akouélé Perpétue Dossouvi sait bien s’y prendre et le démontre d’ailleurs dans son premier livre « Tu m’aimes trop tard » paru en 2022 aux Editions Béninlivres. Toute personne qui ne se limite qu’au titre évocateur du livre en pensant juste à une histoire d’amour, est surprise de découvrir, en feuilletant les pages, que ce dernier aborde plus que la thématique touchant à l’amour. A travers cette œuvre romanesque de 296 pages, l’auteure captive aussi l’attention sur un système éducatif qui forme au chômage, les violences basées sur le genre, les pratiques occultes sous la bannière de la tradition et l’entrepreneuriat. La romancière Akouélé Perpétue Dossouvi a troqué sa licence en géographie et ses trois années d’études en Lettres Modernes contre la machine à coudre. L’auteure de « Tu m’aimes trop tard » est donc une couturière professionnelle, créatrice de la ligne de vêtements ‘’Akokoakouele’’ et la fondatrice du Centre des Métiers de la Mode. L’histoire qu’elle raconte dans son bouquin parle de sa profession et pourrait même laisser croire qu’il s’agit d’une autobiographie. Ce n’est évidemment pas le cas d’autant plus que c’est une œuvre de fiction qui raconte l’aventure de Aude, qui a abandonné les cours pour se retrouver dans un atelier de couture. Son séjour auprès de son patron n’a pas été de tout repos, ni une mince affaire. Plus de sept ans passés chez son patron était un calvaire pour Aude. Tout le premier chapitre du livre y est consacré et on peut lire à travers les pages 10 à 14 : « Il fallait rester debout toute la journée, du moins, tout le temps que prenait la séance de coupe, à regarder le patron. Le patron commença à la malmener. Chaque mot qu’il sortait était plein de haine contre l’étudiante-apprentie. Aude tenait le coup, elle supportait tout jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus. Aude en avait parlé à sa sœur. Exaspérée, celui-ci lui exigea de partir, de peur que son bourreau détruise sa carrière. » Ce n’est que le début d’une vie de souffrance pour l’apprentie-courrière parce que sa plus grande souffrance va naître de sa rencontre avec Fahad, le beau mec timide mais frais à croquer. La belle Aude est tombée sous le charme de son client Fahad, la première fois où elle a croisé les regards de ce dernier. Elle n’a pas hésité à déclarer sa flamme à l’intéressé qui a opposé une fin de non recevoir. Pour Fahad, cela relève pratiquement d’un sacrilège qu’une fille drague un garçon. Faisant désormais objet de raillerie auprès de ses camarades et suite aux remontrances de l’administration scolaire sur la baisse de ses performances scolaires, Aude a dû raviser ses sentiments pour se consacrer à nouveau à ses études.
Un système éducatif qui forme au chômage
L’héroïne de « Tu m’aimes trop tard » avait 25 ans quand elle a abandonné les cours en 4e année de Géographie et en 3e année de Sociologie. A voir ses camarades de sociologie, convertis en professeur de français jubilés pour avoir eu des heures de vacation dans plusieurs collèges, elle se demandait si c’est à cela qu’allaient se résumer toutes les humiliations que les professeurs leur faisaient subir. C’est à cause de cela qu’elle décida de donner congé à ses fesses, abandonnant la brique sur laquelle elle s’asseyait en amphi. Ce tableau décrit la situation des étudiants qui finissent les études universitaires et sortent avec des diplômes pour retourner au chômage. Les révélations apportées dans les pages 150 et 151 renseignent à suffisance sur la période de déroulement de l’histoire : « C’était à l’ère de la rupture. Certains fils du pays n’hésitaient pas à faire entendre que toutes les activités sur tous les plans avaient été court-circuitées de la zone d’argent. Certains martelaient que c’était la faute du président au pouvoir. » Pour contrer la situation de l’inadéquation formation-emploi, l’héroïne, parlant au travers de la voix de l’auteure, recommande de suivre l’exemple de Mao le chinois qui a montré qu’on pouvait quitter l’école très tôt tout en continuant à apprendre. A la page 157, on peut lire : « Mieux vaut perdre quelques promotions de bacheliers et repartir sur des bases beaucoup plus ambitieuses. Que l’enseignement dispensé comporte une utilité économique, telle est la règle des règles. Toute connaissance qui n’est pas utilisée est une connaissance nuisible. »
C’est pour ne pas subir l e même sort que ses aînés qui sont sortis bardés de diplômes mais sans emploi que Aude s’est orientée vers l’entreprenariat après sa formation en couture. Armée de courage et de détermination, elle est parvenue à se frayer un chemin vers l’autonomie financière. L’histoire de Aude rapportée par l’auteure, dans son roman, vient ainsi sensibiliser la jeunesse à s’armer de courage et de détermination pour un avenir radieux.
Edouard KATCHIKPE