Une semaine après la reprise des classes : Le public encore à la traîne, le privé bouge

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Conformément au calendrier scolaire, les activités pédagogiques ont repris dans presque toutes les écoles maternelles et primaires ainsi que dans les établissements secondaires du Bénin, ceci depuis le lundi 20 septembre 2021. Apprenants, enseignants, personnels administratifs et responsables pédagogiques, ont renoué avec les habitudes scolaires rythmées par les séquences de classes et autres apprentissages. Pour cette première semaine de la reprise des classes, dans le contexte particulier de la Covid-19, l’équipe de Educ’Action a promené ses micros dans certains établissements des départements de l’Atlantique et du Littoral pour prendre le pouls des activités qui s’y déroulent. Reportage de la première semaine d’activités pédagogiques dans les classes !

Pamphile Faton

Le soleil qui arrose la ville de Cotonou de ses rayons étincelants, ce matin du vendredi 24 septembre 2021, annonce une belle journée. La joie qui anime certains citoyens venus effectuer leurs formalités administratives à l’hôtel de ville de Cotonou n’est pas la même partout. Dans la rue qui jouxte la mairie, le directeur du groupe B du Complexe Scolaire Sikè- Nord n’est visiblement pas dans son assiette. Même s’il se contient, Pamphile Faton, puisque c’est de lui qu’il s’agit, se pose des questions sur les comportements des parents d’élèves. Assis dans son fauteuil, le directeur lâche, d’une voix apparemment épuisée : «Je ne suis pas fatigué mais déçu». Dans sa tenue locale aux motifs multicolores, il fustige l’attitude de certains parents qui continuent de bouleverser le déroulement des activités pédagogiques à cause du retard qu’ils accusent pour l’inscription de leurs enfants, notamment par défaut de pièces administratives. «Le non- retrait des fiches de naissance», souligne-t-il, constitue un frein à l’inscription des enfants. En effet, explique le directeur, des parents se présentent sans aucun acte pour inscrire leurs enfants. A peine le temps de finir ses observations que deux (02) dames, accompagnées de trois (03) enfants, se présentent à lui.
Après les salutations chaleureuses d’usage, l’une d’elle exprime au directeur sa volonté d’inscrire son enfant en classe de CM2. Dans le dialogue qui suit, le responsable d’école constate étonné, que la mère de l’enfant n’avait aucun acte d’état civil pour remplir cette formalité. Le temps de souffler, il reprend encore les explications sur les formalités d’inscription des enfants à l’école. Pour ce cas spécifique de la classe de CM2, il insiste sur les difficultés que cela engendre pour le dépôt des dossiers des candidats au Certificat d’Etudes Primaires (CEP).
La situation des enseignants préoccupe aussi le responsable d’établissement. En effet, tout porte à croire qu’ils n’ont pas repris avec les bonnes habitudes professionnelles. «Rien ne peut marcher si nous ne suivons pas l’emploi de temps», s’indigne Pamphile Faton, à propos de l’attitude de certains enseignants avant d’ajouter que «pour des cas de maladie, l’enseignant sait bien qu’il doit se présenter aux soins avec son cahier de visite ou aller là-bas pour prendre le certificat». Des attitudes qui créent des flottements dans le programme de la journée, ce qui donne l’occasion aux apprenants oisifs de s’adonner à d’autres activités que celles pédagogiques.
Pendant que des apprenants divaguent dans la cour, ceux du CM2 du groupe B sont déjà au travail. Les yeux fixés sur le tableau dans un calme olympien, ils semblent bien occupés. C’est d’ailleurs ce qu’explique Faustin Zoadan, élève dans cette classe : «Depuis le lundi, nous avons fait des exercices et des leçons de morale, expression écrite, vocabulaire, grammaire, puis l’évaluation diagnostique» Malgré son bras gauche enfermé dans du plâtre, signe que les vacances n’ont pas été de tout repos pour lui, il a répondu présent aux cours depuis le lundi.
Au sujet de l’évaluation diagnostique qui a eu lieu, l’enseignant de cette classe décrit le contexte de déroulement de ce contrôle des connaissances des apprenants. «Dès lundi, nous avons évalué les enfants pour voir s’ils ont le niveau qu’il faut», a expliqué Mathias Gandogbé. Poursuivant ses explications, il informe du retard accusé dans la mise à disposition des épreuves devant servir à évaluer les apprenants. «Depuis lundi, nous attendons patiemment les épreuves, mais elles ne sont pas encore venues», souligne-t-il avant d’ajouter que pour éviter l’oisiveté des élèves, il leur a plutôt soumis l’épreuve de l’année écoulée. Pour lui, cette situation a bouleversé le programme au point de créer quelques désagréments dans la gestion du cahier journal. «Dans notre cahier journal par exemple, du lundi au mercredi, nous avions écrit déroulement des évaluations diagnostiques, ce qui n’a pas été fait», dévoile l’encadreur de la classe de vingt-trois (23) apprenants, l’air un peu gêné. Il ne manque pas d’attirer l’attention sur l’insuffisance d’enseignants dans son établissement. Un constat que le directeur, Pamphile Faton, explique mieux : «Nous n’avons que trois (03) salles de classes au point, nous avons dû jumeler des classes faute d’enseignants». A cela, s’ajoutent le manque de salles de classes et de manuels, puis l’insalubrité des toilettes et l’eau stagnante çà et là dans la cour.
Si le directeur et l’enseignant disent rencontrer des difficultés, pour Faustin Zoadan, malgré son état de santé, tout va bien car, affirme-t-il en souriant, «je n’ai aucune difficulté». Ce n’est pas le même son de cloche chez les parents qui doivent renouer avec certaines habitudes afin de prendre soin des enfants.
Contrairement à Faustin, pour Elisabeth Ekpaliguidimin, parent d’un élève du Cours d’Initiation (CI), rencontré dans l’établissement, la reprise semble difficile. Et pour cause, «c’est très pénible pour moi de me lever chaque jour à 4 heures pour préparer la famille, puis faire les allers et retours en accompagnant et en ramenant les enfants», fait-elle savoir. Hormis la difficulté de se lever tôt, elle souligne aussi un problème de moyens financiers, ce qui l’empêche, jusqu’à ce jour, d’acheter toutes les fournitures scolaires, avoue la maîtresse-coiffeuse d’un air triste.Toujours à la recherche de solutions, le directeur d’école révèle qu’il est parfois obligé de mettre la main à la poche pour résoudre certains problèmes, notamment d’insalubrité dans l’école, car il ne peut tout attendre de l’Etat. Cependant, il martèle que lorsque les difficultés sont grandes, il sollicite des fournisseurs si cela est inscrit dans le budget de l’école. Avant de finir, il en appelle à la responsabilité des enseignants qu’il qualifie ‘‘d’enseignants WhatsApp’’, en les invitant à renouer avec les bonnes habitudes. Par ailleurs, l’enseignant de CM2 a émis le vœu que les épreuves soient mises à leur disposition au plus tôt afin d’éviter le bouleversement dans le programme. De Cotonou, cap est mis sur la commune d’Abomey-Calavi.

Difficile respect des gestes barrières aux Complexes Scolaires Cocotomey ABC et Gbodjè-Cococodji…

Karl Chrysostome Dofonnou Directeur du collège La Plénitude

Nous sommes dans l’arrondissement de Godomey, précisément dans le quartier de Cocotomey. Ici, se trouve le Complexe Scolaire Cocotomey A-B-C sis à quelques mètres de la pharmacie ‘‘La Concorde’’. Il est 16 heures 30 minutes. A l’entrée de l’école, ce sont des feuilles mortes entassées non loin du portail principal qui accueillent tout usager de cet établissement qui relève du giron de l’Etat. Dans la cour de cette école située dans la région pédagogique 11, un lot de trois (03) sacs est exposé devant le groupe B. Il s’agit d’un don fait par la mairie d’Abomey-Calavi aux apprenants démunis et orphelins. «D’abord, Cocotomey est une zone dortoir et nous avons toujours eu le problème d’effectif, aujourd’hui comme par le passé. Pire encore, avec la morosité économique, tous les parents qui avaient mis leurs enfants dans les écoles privées qui sont dans les alentours et qui contribuent à la diminution de l’effectif dans les classes, sont revenus pour l’inscription dans les écoles publiques», affirme Arnaud Agbohounka, directeur du groupe C de l’Ecole Primaire Publique Cocotomey pour ainsi mettre l’accent sur la pléthore d’apprenants dans les classes de ce complexe. Une situation qui ne facilite pas le respect de la distanciation sociale en lien avec les gestes barrières édités par le gouvernement. «Aujourd’hui, vous n’entrerez pas dans une classe de ce complexe sans voir les enfants assis à 4 ou 5 sur les tables-bancs qui sont destinées à deux enfants. En cette période de pandémie, nous nous demandons ce qu’il faut faire», fait constater le directeur Arnaud Agbohounka avant d’inviter les autorités compétentes à venir à leurs secours en leur fournissant au moins cent cinquante (150) tables-bancs. Ceci, ajoute-t-il, va nous permettre de résorber le problème d’effectifs pléthoriques afin que les enfants puissent s’asseoir au moins à trois (03) sur les tables-bancs mais jamais deux (02). Ecole arborée, chaque fois que la pluie cesse, les feuilles tombent dans la cour et lui donne un air d’insalubrité. Conscient de l’insécurité sanitaire que cela peut causer, les apprenants les balaient pour les entasser à côté du portail. «Nous avons besoin de la société de gestion des ordures pour assainir l’entrée du portail. Nous avons besoin également des poubelles publiques homologuées pour verser les ordures dedans. Car, nous n’avons pas de ressources financières pour acheter ça», fait savoir le directeur Arnaud Agbohounka, pour renseigner sur les difficultés que rencontre le Complexe Scolaire Cocotomey A-B-C quelques jours après la rentrée scolaire 2021-2022. Des difficultés qui diffèrent d’un acteur à un autre. «Autre chose, les parents viennent nous laisser les enfants sans fournitures scolaires. Ici, nous avons des enfants qui ont une éducation monoparentale», a-t-il laissé entendre au micro de Educ’Action. Ce constat est aussi le même au Complexe Scolaire Cococodji-Gbodjè, toujours dans la région pédagogique 11.
Selon les propos recueillis, des apprenants sont envoyés à l’école sans un minimum de fournitures scolaires. Notre descente dans cette école a permis de constater que la décision de l’autorité ministérielle relative à l’entretien du cadre scolaire, chaque dernier vendredi du mois, est déjà prise au sérieux. Des apprenants sous la supervision de leurs enseignants sarclent peu ou prou les parties de l’école jonchées de mauvaises herbes pendant que d’autres se livrent à divers jeux. Dans ce complexe, les difficultés auxquelles sont exposés instituteurs et écoliers sont énormes. Ici, les apprenants viennent au compte-goutte spour renouer avec les habitudes scolaires. «Dans mon groupe, en matière de personnel, j’ai deux (02) enseignants qui sont souffrants. Je l’ai déjà notifié aux supérieurs hiérarchiques. Les apprenants, en réalité, ne viennent pas à l’école pour le moment parce qu’il y a eu une tornade qui a endommagé des salles de classes un peu avant les vacances, ce qui nous met en difficulté. Nous n’avons pas suffisamment de salles de classes», a affirmé Yolande Mithoun épouse Dagba, directrice de l’Ecole Primaire Publique Cococodji-Gbodjè/C.
En raison d’insuffisance de salles de classes, les responsables de ce complexe sont obligés de jumeler les classes pour permettre aux apprenants d’avoir un espace de travail approprié. «Le CP/A, le CP/B et le CP/C sont tous dans la même salle de classe. Il en est de même pour le CE1/A, CE1/B, CE1/C. Plusieurs salles de classes sont mises ensemble. Du coup, les parents ont des difficultés à croire effectivement à la reprise des classes puisque d’habitude, ils ont leurs enfants dans une salle de classe avec un enseignant mais le problème qui se pose, c’est tous les enfants qui sont dans une même salle de classe avec deux (02) ou trois (03) enseignants», a indiqué la directrice Yolande Mithoun épouse Dagba pour montrer les difficultés du moment dans cette école. Par ailleurs, certains bâtiments sont en état de dégradation avancée, une grosse flaque d’eau devant des salles de classes, empêchant aussi apprenants et enseignants d’accéder aisément à leur cadre de travail. En outre, la directrice n’a pas manqué d’inviter la mairie d’Abomey-Calavi à penser à eux pour redonner vie à l’école.

Les inscriptions se poursuivent dans les collèges publics

Nous sommes le vendredi 24 septembre, dernier jour de la première semaine de la reprise des classes. Au collège ‘‘La Plénitude’’, située au bord de la voie inter-Etat Cotonou-Lomé au niveau de Godomey, la cour de l’école est calme et déserte. Dans les salles de classes, point de traces d’élèves si ce n’est qu’une petite poignée qui attend l’arrivée de leurs parents afin de rentrer à la maison. Et pourtant, il n’est que 15 heures. Au fait, depuis bientôt trois ans, le Collège ‘‘La Plénitude’’ a opté pour les journées continues et finit ses activités pédagogiques rigoureusement tous les jours à 14 heures 45 minutes. Pour cette première semaine, tout s’est bien passé. Joint au téléphone, le directeur de ce lieu de savoir, Karl Chrysostome Dofonnou évoque les dispositions prises pour une bonne amorce des activités pédagogiques.
«Dans le privé, chez nous particulièrement, on est très pointu et en avance sur les choses. A notre niveau, il n’y a pratiquement pas eu de vacances. Nous sommes restés tout le temps et nous avons anticipé sur beaucoup de choses. Nous avons démarré effectivement les cours le 20 septembre. Nous sommes restés pour aménager le collège, toutes les salles, apprêter le cadre, les emplois du temps ont été élaborés et tout était prêt. Nous avons tenu notre conseil le jeudi avant la rentrée», explique le chef d’établissement.
Cependant, en dépit de toute cette organisation, la tâche n’a pas été facile pour cette première semaine de travail. Comme tous les autres établissements, le collège n’a pas échappé aux inscriptions de dernière minute, une des difficultés à chaque nouvelle rentrée. «Les élèves sont plus nombreux cette année. Les parents retardataires nous ont un peu compliqué la tâche. Nous avons organisé quatre (04) tests d’entrée pour les nouveaux élèves pendant les vacances. Il y a des parents dont les enfants sont reçus aux tests et qui ne se sont pas vite manifestés. Il y a aussi des parents qui n’ont même pas su qu’on a organisé des tests et qui se sont amenés le jour de la rentrée pour inscrire leurs enfants», a t-il déploré. Ce collège n’est pas le seul à vivre cette situation pour cette semaine de rentrée.
Au CEG 1 de Godomey, cet après-midi du vendredi, la cour est bondée d’élèves. Du côté de l’administration, la pression des inscriptions est toujours présente. Un nombre important de parents d’élèves sont agglutinés devant la comptabilité de l’établissement. Contrairement aux années passées, pour contenir le nombre important d’élèves, le directeur de l’établissement, Bernard Lahamy, a dû ouvrir quinze (15) classes de 6ième pour recevoir pratiquement tous les élèves admis au CEP et qui y sont affectés. Il n’en demeure pas moins qu’il espère que les inscriptions prennent fin le mardi prochain pour une bonne suite des activités pédagogiques. «Les inscriptions nous perturbent un peu, mais nous allons finir le mardi prochain. Les parents ont gardé la mauvaise habitude de venir à la rentrée pour inscrire leurs enfants. Bien que nous ayons travaillé pour qu’ils puissent venir déjà à partir du 1er septembre inscrire les enfants», a t-il déploré.

Des enseignants toujours absents dans les classes

Dans le cadre du déroulement des cours, certains élèves de leur côté n’ont toujours pas eu d’enseignants dans certaines matières. Ceci, malgré les emplois du temps déjà élaborés par l’administration. Au niveau de la Tle A2 du CEG1 de Godomey, Rogatien Codjia renseigne qu’«il manque quelques professeurs dans certaines matières comme les SVT et les langues vivantes. Toutefois, des cours ont déjà été reçus en Histoire-Géographie, Français, et Philosophie». Pour sa part, Odiane Assogba, élève en classe de 1ère D1 , toujours dans le même établissement, informe qu’à son niveau, tout va bien mais «pour cette reprise, nous n’avons pas encore eu de professeurs dans toutes les matières. Nous avons fait les cours de SVT et de Français».
Malgré les couacs observés, les responsables d’écoles jurent du bon déroulement des activités pédagogiques, les prochaines semaines. En témoigne les propos de Bernard Lahamy, directeur du CEG 1 de Godomey. «Les cours se déroulent bien avec un petit bémol. Tous les élèves n’ont pas encore tous les enseignants. Le déploiement a été déjà fait et je pense qu’on nous a demandé le point des besoins. Nous allons l’exprimer sur la plateforme Educmaster. Nous avons tenu le Conseil de rentrée aujourd’hui et nous avons élu les membres des différents conseils : consultatif, d’administration et le conseil des professeurs bien sûr», a t-il laissé entendre.

Réalisation : La Rédaction de Educ’Action

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