Université d’Abomey-Calavi (UAC) : La création des offres de formation à la loupe (Plus de rigueur pour répondre aux exigences du marché)

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Licence, Master, Doctorat. La diversité des filières de formation contenues dans chacun de ses grades académiques est la caractéristique même de l’enseignement supérieur. Seulement, dans les universités publiques, un quasi vide réglementaire a donné la possibilité aux enseignants de créer individuellement des offres de formation jusqu’à une certaine époque. Aujourd’hui, le processus de mise en place des offres de formation à l’UAC semble plus rigoureux. Quid alors du défi de l’adéquation formation-emploi !

67.587 étudiants encadrés par 928 enseignants-chercheurs et 826 agents du personnel administratif, dans 25 entités de formation. Ce sont les statistiques de l’Université d’Abomey-Calavi inscrites dans un fond vert sur le site internet de la première et plus grande université publique du Bénin. Ces entités de formation hébergent, à leur tour, diverses formations selon les grades Licence, Master et Doctorat dans le système LMD. En effet, il y a maintenant une dizaine d’années que le Bénin a opté pour ce système dans l’enseignement supérieur pour se conformer aux normes et tendances mondiales en termes de choix éducatif pour faciliter l’insertion professionnel –
le des apprenants. Ainsi, entre 2010 et 2014, ateliers, séminaires et textes réglementaires se sont succédé pour donner corps à cette vision anglo-saxonne de l’enseignement supérieur. A l’arrivée, trois grades universitaires (Licence, Master et Doctorat), de nombreux décrets et arrêtés, de nouvelles pratiques pédagogiques et surtout, une nouvelle structuration des offres de formation. Ces dernières, dans les esprits de beaucoup d’étudiants et d’usagers des universités, sont la chasse gardée de leurs promoteurs que sont des enseignants du supérieur.

Enseignants-propriétaires d’offres de formation

« Cela fait partie du passé ! ». C’est avec un ton doux et ferme que Philippe Gbèdjèglo, Chef Service des Etudes et de l’Orientation Universitaire (SEOU) au Vice-rectorat chargé des affaires académiques de l’UAC, s’exprime ainsi. Rencontré dans son bureau par Educ’Action, il déclare que : « par le passé, tel était le cas effectivement mais depuis quelques années, dès lors qu’il a été imposé qu’une offre ne devrait plus être la propriété d’une personne, c’est fini ça ! ». Il poursuit que c’est une entité qui soumet l’offre de formation. A côté, il y a un conseil pédagogique qui se réunit dans l’entité pour valider l’offre. De plus, « les textes que nous faisons une fois que l’offre est validée, confient la mise en œuvre à une coordination de la formation », conclu-t-il sur ce point.
Avis partagé par Hyppolite Sessou, Responsable chargé de l’amélioration des pratiques pédagogiques du Centre de Pédagogie Universitaire et d’Assurance Qualité (CPUAQ) de l’UAC. « Des choses ont prévalu avant l’avènement du CPUAQ. Beaucoup de réformes sont arrivées avec le système LMD qui a été généralisé en 2010 dans les entités », a-t-il fait savoir. Dénonçant l’accaparement des offres de formation, il attire l’attention des enseignants sur cette pratique. « Une offre de formation appartient à l’université. Même si elle est portée au départ par un individu, dès qu’elle est validée, elle devient la propriété exclusive de l’université. Une faculté peut gérer l’offre, peut l’héberger. Un département peut la déployer et la mettre en œuvre, mais elle reste la propriété de l’université puisque c’est l’université qui en répond en signant les attestations de diplômes des finissants », explique le responsable.

Du processus de mise en place des offres de formation…

Mercredi 10 février 2021 à l’Université d’Abomey-Calavi, les activités vont bon train. Les étudiants pressent les pas pour rejoindre les amphithéâtres afin de suivre les cours. Au Centre de Pédagogie Universitaire et d’Assurance Qualité (CPUAQ), Hyppolite Sessou est déjà au bureau. Dans ses fonctions de spécialiste de l’amélioration des pratiques pédagogiques, il est au fait du processus de création des offres de formation, mis en œuvre depuis 2013. « C’est de par la pratique de la validation des offres de formation que nous avons pu retracer le processus qu’il faut suivre jusqu’à l’aboutissement du dossier d’ouverture d’une offre de formation. Ce processus a été élaboré et formalisé lors d’un atelier tenu en 2013 », informe le psychopédagogue doublé d’une casquette d’administrateur et manager des services éducatifs. Entrant dans le vif du sujet, pour ce qui concerne les formations de Licence et de Master professionnels, il annonce d’entrée de jeu que généralement, l’idée de l’offre de formation part d’un individu mais la pertinence de l’idée est analysée par les enseignants au sein de leur département. « Le corps professoral doit organiser un conseil de département qui entérine la décision d’organiser une offre dont on a déjà l’ébauche. Les enseignants concernés par l’offre se réunissent et font un projet d’offre de formation avec les différents enseignements, les tables de spécification, les documents complets de l’offre, etc. », détaille le psychopédagogue. Pour la deuxième étape du processus, le projet est validé au sein de la faculté, puis est transmis au doyen ou au directeur de l’entité de formation dont les services se chargent de l’acheminement du dossier au recteur, précise Hyppolite Sessou.
Troisième et quatrième étapes, « le projet est envoyé vers le rectorat avec l’avis motivé du doyen pour que l’offre soit effectivement logée dans l’entité. Au niveau du rectorat, le dossier est envoyé vers le Vice-Rectorat chargé des affaires académiques. Le dossier est pris en charge par le CPUAQ et le Service des Etudes et de l’Orientation Universitaire (SEOU). Ces deux structures prennent connaissance du dossier et organisent la session de validation », éclaire le cadre du CPUAQ.
Le responsable du SEOU a nom Philippe Jacques Gbédjéglo. Rencontré dans son bureau, il revient sur la partition jouée par son service dans ce processus. « Lorsque l’offre de formation nous parvient, notre service s’occupe de l’étude et de sa recevabilité. Cela consiste à voir si les différentes parties qui sont précisées dans le canevas d’une offre de formation sont respectées. Si c’est le cas, l’offre est déclarée recevable et enrôlée pour la session de validation des offres de formation », a confié le chef service du SEOU. Au micro de Educ’Action, Hyppolite Sessou fait savoir que l’instance qui s’occupe de la validation de ces offres de formation est le Comité Technique de Validation des Offres de Formation (CTVOF), il est présidé par le recteur de l’UAC et le CPUAQ et le SEOU sont membres. Si en aval, le CPUAQ intervient en qualité de membre de l’instance de validation, il intervient aussi en amont dans l’accompagnement des entités de formation. A en croire ce dernier, dès que l’idée prend forme au niveau de la faculté, le CPUAQ est associé pour contribuer à dimensionner, à formater l’offre. Le centre, qui fait office de pôle d’expertise en matière de formation des enseignants et de conception des offres de formation, leur apporte une touche technique. Il s’agit, informe le responsable, des normes communautaires du RESEAO et du CAMES dont il faut veiller à la prise en compte.

Quid des formations de Master recherche et de Doctorat…

Pour ce qui concerne les formations de Master recherche et de Doctorat, le chemin est le même à quelques différences prêts. C’est Docteur Raphaël Yébou, chef service des commissions scientifiques au vice-rectorat chargé de la recherche, qui lève le voile sur le processus et explique. « L’offre de formation est initiée par des enseignants en équipe avec un responsable dans un établissement ou dans une école doctorale. Elle est envoyée au secrétariat général de l’université pour transmission au recteur. Après traitement au niveau rectoral, l’offre est transmise au conseil scientifique. Le dossier est étudié et envoyé à la commission des experts chargés des études du troisième cycle qui en fait une étude approfondie lors d’une session. Les observations sont apportées pour que les auteurs fassent des corrections. Le dossier est ensuite réintroduit. Au bout du rouleau, l’offre est validée et le recteur prend un arrêté pour qu’elle soit mise en œuvre », a-t-il renseigné. Dans l’un ou l’autre des cas, la question de la pertinence des offres de formation est centrale.

De la pertinence des offres de formation…

Avec l’avènement du LMD et le défi que constitue le chômage des jeunes, la question de la pertinence des offres de formation dispensées dans les universités se pose avec acuité. A ce propos, Raphael Yébou se veut explicite : « La commission a défini une grille d’évaluation des offres qui permet de dégager la pertinence de l’offre, son opportunité et sa pérennité », indique-t-il avant de préciser : « d’abord concernant la pertinence, l’offre résout-elle un ou des problèmes ? L’université travaille à résoudre les problèmes de la nation. Chaque offre doit prendre une part du travail que l’université réalise ». Ensuite, du point de vue de l’opportunité, il s’agit de savoir si le moment est approprié pour créer l’offre, selon l’expert du conseil scientifique de l’UAC. Dernier aspect, la pérennité : « Cette offre va-t-elle durer ? Va-t-elle présenter de l’intérêt sur le long terme ou le court terme ? », a fait remarquer l’enseignant-chercheur. Au passage, il ne manque pas de préciser que la commission veille à une évaluation périodique des offres de formation.
Cette question de pertinence reste étroitement liée à l’épineuse question de l’adéquation formation-emploi qui est aussi prise en compte dans la phase de création des offres de formation, qu’elles soient professionnelles ou orientées vers la recherche. Et pour cause, créer une offre de formation implique désormais une mutation vers le monde de l’entrepreneuriat, car l’étude du marché entre dans la composition du dossier de création d’une offre de formation. Premier à intervenir, c’est Philippe Gbèdjèglo qui annonce les couleurs : « nous demandons à ceux qui veulent créer une offre de formation de faire une étude de marché ». Et à Hyppolite Sessou d’ajouter : « la pertinence d’une offre de formation n’est qu’une question de l’adéquation de l’offre à la demande. Il n’y a pas d’offre de formation sans demande car l’offre répond à une demande ». Il poursuit : « un rapport d’étude de marché est joint à chaque dossier d’offre de formation. Selon l’offre, nous pouvons solliciter des personnes extérieures. Nous prenons également soin de voir si le référentiel des métiers et des compétences existent pour cette formation ». Face à ce mécanisme apparemment bien rodé, se pose alors la question du devenir des anciennes filières de formation.

Nécessité de mettre en conformité les anciennes filières…

« Avant le CPUAQ, il n’y avait pas trop d’exigences ou un regard extérieur qui devrait s’assurer de la pertinence, de la structuration, et de tout ce qu’on peut exiger aujourd’hui d’une offre de formation. Pour les anciennes formations, nous avons un travail de reformatage et de validation. Les offres existaient mais nous les avons mis en conformité. Beaucoup d’entités ont fait la démarche et la grande majorité des offres ont été mises en conformité. Les autres sont aussi en train de prendre des dispositions parce que chaque année, il y a des sollicitations », précise Hyppolite Sessou. Même avis du côté de Raphaël Yébou qui ajoute que si une offre ne se conforme pas à ces dispositions, on n’autorise pas que les étudiants s’inscrivent. Cela dit, des filières peuvent aussi être suspendues. « Lorsqu’une offre dans la durée ne répond plus aux besoins du marché de l’emploi, le mécanisme est tel que cela se ressent automatiquement au niveau de la coordination. Dans ce cas, vous verrez que les produits sortis par cette offre de formation ne sont pas absorbés par le marché de l’emploi. Ainsi, d’autres personnes ne s’inscrivent plus dans cette offre de formation », soutient Philippe Gbèdjèglo. L’autre indicateur de l’essoufflement d’une offre de formation, ce sont les avis émis par les entreprises qui absorbent les diplômés de cette offre de formation. Quand ces retours ne sont pas positifs, une décision doit être prise : « Au vue des observations, nous prenons la décision de suspendre l’offre », martèle le chef Service des Etudes et de l’Orientation Universitaire (C/SEOU).

Adjéi KPONON

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