Valorisation des déchets du lac Nokoué : La transformation en biogaz, une piste prometteuse

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La pollution du lac Nokoué a toujours préoccupé gouvernants et populations. Le 8 février 2019, le gouvernement béninois a lancé le projet de modernisation de la gestion des déchets solides ménagers dans le grand Nokoué en vue de faire face à cette situation devenue calamiteuse. Au service du peuple, la recherche n’est pas restée en marge de la mobilisation institutionnelle. Grâce au Programme de Recherche Partenarial (PRP) développé par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), l’équipe du Laboratoire de Physique, du Rayonnement de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) a bénéficié d’une subvention pour la valorisation des déchets ménagers du lac Nokoué en énergie au profit des populations. Reportage sur les tenants et aboutissants de cette initiative tripartite : université, entreprise et populations.

Il sonne 18heures 25 minutes à l’université d’Abomey-Calavi ce 28 janvier 2020. Au moment où l’université se vide de ses usagers au rythme des pas des étudiants et des vrombissements des voitures et motos, une deuxième vie commence pour les professeurs Basile Kounouhewa et Clément Koutchadé et leur filleul scientifique, Alfred Dohou. Pendant que les deux enseignants discutent de l’avancement du projet, Alfred Dohou lui fait des prélèvements. Vêtu d’un tee-shirt gris sur un pantalon noir, le jeune chercheur s’accroupit pour prendre les mesures grâce à sa caisse à outil de couleur noire devant les bidons blancs contenant différentes mixtures de déchets. Une fois la caisse ouverte, il procède au montage de la pièce maîtresse du dispositif de mesure : l’analyseur biogaz, de couleur jaune. Place à l’action. L’instrument est monté et les mesures commencent. « Actuellement, nous sommes en train de prendre des mesures sur notre dispositif issu des déchets du riz qu’on a obtenus au restaurant annexe. Depuis 45 jours que nous faisons les prélèvements, le dispositif du riz n’a jamais produit du gaz », affirme le doctorant en méthanisation. Yeux rivés sur l’écran de l’appareil, Alfred explique les paramètres de l’expérience avant de tirer les conclusions : « l’hypothèse que nous avons émise alors c’est que le milieu serait déjà trop acide ou trop basique alors qu’il faut que ce soit un milieu tampon. C’est certainement à cause de cela que, malgré l’ensemencement de la jacinthe d’eau, il n’y a pas eu de gaz. L’appareil signale 00 % de méthane, 99 % de dioxyde de carbone, 33,1 % de dioxygène, 57 ppm de sulfure d’hydrogène ». Ensuite, vient le tour du bio-digesteur contenant la jacinthe d’eau. Pendant qu’il fait le prélèvement, le professeur Basile Kounouhewa revient sur les origines du projet.

Une recherche au service des populations et du développement

« Lorsque nous restons à l’université et que nous regardons les activités qui se mènent sur le lac et son état, nous constatons qu’il y a un vrai problème d’assainissement qui se pose ». C’est ce constat de Basile Kounouhewa qui a conduit son équipe à monter ce projet intitulé « Valorisation des déchets ménagers organiques du Lac Nokoué », et qui a décroché le financement de l’AUF dans le cadre du Programme de Recherche Partenarial. Rencontré dans son bureau au département de physique où les étudiants défilent à tour de rôle pour avoir ses orientations sur divers mémoires et travaux, Basile Kounouhewa lève le voile sur les motivations de ce projet. « Nous avons pensé qu’il fallait plus se pencher sur l’assainissement de ce lac surtout que dans le programme d’action du gouvernement, il est question de réinventer la cité lacustre de Ganvié. On ne peut pas construire ce rêve sans aborder la question de l’assainissement de ce lac. On connaît les méthodes classiques d’assainissement, mais dans notre secteur, nous avons voulu réfléchir à la valorisation d’une partie des déchets qu’on pourrait retirer de ce lac en particulier les déchets organiques », explique l’enseignant-chercheur. Une fois les idées lancées ainsi que la pertinence de leur apport au développement, le programme a insisté sur la nécessité d’un partenariat public-privé en lien avec les populations pour une véritable appropriation de cette innovation par ces dernières.

Avantages d’un partenariat public-privé-populations pour une 2ème vie des déchets

« Pour la première fois, ce programme nous aide à implémenter en milieu réel, au milieu des populations, une idée de projet que nous avons eue. Chaque fois, nous avons fait des travaux, mais cela a été uniquement des travaux de laboratoire. Dans ce cas-ci, nous avons à développer en milieu réel les résultats de nos recherches et à essayer de les conformer aux réalités socio-anthropologiques qui n’étaient pas une préoccupation dans tout ce que nous avons fait jusque-là. Nous avons vu la richesse que cela nous apporte ». Ce décor planté par l’enseignant fait la lumière sur l’importance d’une collaboration avec les populations pour réussir toutes innovations à bénéfice social. L’autre aspect de cette initiative, c’est l’implication d’une entreprise privée, en l’occurrence Speed, qui est prête à utiliser les résultats de la recherche. Ce qui réjouit de plus les membres de l’équipe du laboratoire de physique du rayonnement. « Sa plus-value est que le programme vient en appui à une activité que nous développons avec une entreprise. Une entreprise accepte d’utiliser les résultats que nous allons avoir avec l’appui du PRP. C’est la première fois que nous participons à ce type d’engagement de deux partenaires qui viennent nous soutenir pour faire aboutir une idée ». Conjointement à la phase de recherche et développement qui se poursuit à l’université, l’implémentation en milieu réel révèle aussi une autre facette du partenariat tripartite université-entreprise population.

L’implémentation en milieu réel, une étape importante pour le développement des énergies renouvelables

« Avec les résultats de cette recherche, nous pensons qu’il est clair aujourd’hui qu’un ménage peut repenser la gestion de ces déchets ménagers. Disposer d’un bio digesteur dans lequel on fait passer les déchets ménagers contribuerait un tout petit peu à la réduction du coût de l’énergie dans la vie du ménage. Deuxième chose, le digesta après passage dans le bio digesteur peut être formulé sous forme de fertilisant pour les sols sur le plateau ». Cette noble ambition de l’équipe de chercheur révélée par son chef, Basile Kounouhéwa, n’a pas le même écho auprès des populations. En effet, témoigne l’enseignant en observant du coin de l’œil le travail de Alfred : « si nous n’avions pas fait cette implémentation sur le terrain, nous aurons continué à construire notre affaire avec nos idées». Ainsi l’enseignant relate le premier jour où il a fallu faire tourner le bio digesteur (tank contenant les déchets) à Ganvié. « Lorsqu’il a commencé à fonctionner et que nous avions envoyé le premier jet de jacinthe d’eau là-dedans, nous avions voulu ajouter aussi les restes de déchets de cuisine telles que les épluchures de manioc, les tiges de légumes, etc. Nous avions demandé à la restauratrice de mettre à notre disposition ces déchets. Elle nous a répondu : « ce sont mes cochons qui mangent ceci, ça ce sont mes montons qui mangent et ceci c’est pour les chiens. On s’est dit mais, qu’est-ce qu’on met dans le bio-digesteur ? Nous n’avions pas imaginé qu’il y avait déjà une première phase de recyclage des déchets qui est ancrée dans les habitudes des populations ». Même si elles ne manquent pas, les difficultés n’émoussent pas l’ardeur de l’équipe qui pense être sur la bonne voie.

Alfred procédant aux mesures expérimentales à l’UAC

Surmonter les difficultés pour le bien-être des populations

Procédures financières, respect des délais, attitudes des populations, surtaxassions des frais de déplacement sur le terrain, sont les principales difficultés rencontrées par l’équipe de chercheurs. « Par exemple, pour acheter un appareil aujourd’hui, les procédures nous emmènent à acheter l’appareil beaucoup plus cher que nous-même nous pourrions le faire si on était autorisé à aller l’acheter directement sans les procédures. On peut trainer sur un mois, voire un mois et demi pour finalement avoir l’appareil alors qu’on pouvait l’avoir au bout d’une semaine ou une semaine et demie », regrette Basile Kounouhéwa. Les populations quant à elles, ont gardé à l’esprit que l’équipe de chercheurs bénéficie d’un gros financement, raison pour laquelle le tarif de transport réservé aux touristes leur est appliqué même si le chercheur reconnaît que des négociations ont permis de revoir les coûts à la baisse. En attendant, les premiers essais ont permis de faire brûler le gaz durant deux heures et demie dans le restaurant situé à Ganvié. Les défis, il en reste encore à relever : « nous comptons arriver à dimensionner un bio digesteur qui fonctionne pour un ménage, selon sa taille afin de produire suffisamment de gaz au quotidien pour la cuisson des aliments. Le premier bio digesteur que nous avons installé nous a permis de brûler de l’énergie pendant deux heures et demie. Il faut attendre trois, voire quatre jours pour pouvoir brûler la même quantité de gaz. Nous avons des corrections à faire à ce niveau. Le prochain challenge, c’est de faire tourner un petit groupe électrogène pour alimenter une concession et avec pour combustible le biogaz qui a été produit », conclut Basile Kounouhéwa.

Adjéi KPONON

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