La semaine écoulée, une déferlante vidéo a circulé sur les réseaux sociaux, suscitant émoi et interrogations dans le rang des acteurs de la protection de l’enfant. Cette vidéo présente un homme infligeant des coups forts à un enfant de moins d’un an dans l’une des contrées du Bénin. Du coup, des langues se délient…
C’est avec une force terrible et terrifiante que l’homme a donné des coups de fouets à un enfant de moins d’un an. La langue employée dans cette vidéo est le Fongbé, fortement parlé dans le département du Zou. Qu’est-ce qui peut donc motiver cet homme à se défouler sur le gamin ?« Rien au monde, quelle que soit la faute commise par un enfant de cet âge, rien ne peut l’amener à s’acharner sur l’enfant de cette façon. Même la rage d’un chien n’est pas aussi catastrophique », répond d’un ton rauque Toussaint Sagbo-Fanou, professeur certifié d’anglaiset d’espagnol à la retraite. Abondant dans le même sens, Pierre Atimba, coordonnateur du programme de renforcement de la famille au Village d’Enfants SOS (VESOS) Abomey-Calavi affirme : « Quel que soit ce qu’il a fait, on ne peut pas taper un enfant tel que l’a fait l’homme. Qu’est-ce qu’un enfant de moins de deux ans peut faire pour mériter ces coups ? C’est inadmissible.» Pour le socio-anthropologue Alexis Babylas Tobada : « Le monde évolue et le châtiment corporel ne fait pas du bien à un enfant. Ce sont ces enfants qui, à partir d’un âge, décide de quitter leurs parents. Ils quittent la responsabilité de leurs parents parce qu’on leur inflige des pratiques sauvages ».
Malgré les coups retentissants sur l’enfant, il est attaché à l’homme. « Il estimait qu’à un moment donné, c’est encore lui qui va le prendre pour le cajoler, le consoler. Mais l’homme ne répondait pas à ça. C’est là que cet enfant a été doublement meurtri, doublement martyrisé par ce mini-assassin d’une autre époque », se désole Toussaint Sagbo-Fanou, également consultant en éducation. « L’enfant ne peut pas fuir. Il ira où ? On voit même son innocence. L’enfant de moins de deux ans qui tâtonne à peine, peut-être qu’il ne marchait même pas. Si c’était un garçon de 6 ans et autres, il peut courir. Donc ici, l’enfant ne sait même pas encore bien marcher », a dit Pierre Atimba, clamant ainsi l’innocence de l’enfant.
Est-ce le moment de filmer l’acte ?
L’évolution de la technologie a fait naître des reporters sans formation. Pour des faits graves nécessitant une aide, des hommes s’érigent en reporters sans frontières avec comme outils d’enregistrement le téléphone portable. « Si j’étais à la place de celui qui filmait, je peux commencer à filmer au début. Ceci, en pensant que l’homme veut réprimer l’enfant légèrement. Mais dès que je vais constater que ça devient dangereux pour la santé, la sécurité de l’enfant, je laisserai de côté mon portable et j’irai dissuader l’homme de son acte », a dit Toussaint Sagbo-Fanou. Intronisé Dah Yêho Ayidékon Hwendomabou de Cana, ce dernier saisit l’occasion pour battre en brèche la thèse qui sous-tend que c’est une cérémonie culturelle et cultuelle. « Je suis en train de m’inscrire en faux. En tant que Dah Yêho Ayidékon Hwendomabou de Cana, aucune cérémonie dans notre coutume que ce soit dans le Zou ou ailleurs ne permet de maltraiter un enfant de cet âge avec tant d’atrocité. Ça n’existe pas », insiste-t-il.
Concernant l’auteur de l’enregistrement de la vidéo, Pierre Atimba ne voit pas les choses comme Toussaint Sagbo-Fanou. « Celui qui filmait, on peut dire que c’est un spectateur qui peut-être n’est pas d’accord de l’action mais ne pouvait rien dire. Donc en parler afin que cela s’arrête, c’est de filmer », indique Pierre Atimba, avant de préciser que, « S’il ne l’avait pas filmé, c’est que cet enfant a reçu des coups qu’on ne saura jamais. Certainement qu’il a remarqué que l’auteur n’est pas à son premier essai et que lui-même peut prendre des coups ». Néanmoins, il émet un bémol : « Il a dénoncé mais il pouvait quand même donner plus d’indications pour permettre aux autorités de la protection de l’enfant de faire le travail. Car, nous ne savons pas exactement où cela se passe. C’est vrai que c’est sur les réseaux sociaux mais il n’est pas allé au bout de ses peines.» Un officier de police judicaire, acteur de la protection de l’enfant, requérant par ailleurs l’anonymat argue : « Peut-être que l’homme a l’habitude de se comporter de la sorte et les gens lui ont fait des remontrances. Peut-être qu’il a un certain pouvoir sur celui qui prend la vidéo. Celui-là s’est dit qu’il faut dénoncer la personne afin que les autorités puissent se saisir du dossier ».
Les dispositions du code de l’enfant en la matière ?
Un arsenal juridique existe au Bénin pour protéger l’enfant. Il s’agit de la loi N°2015-08 du 08 décembre 2015 portant Code de l’Enfant en République du Bénin. Conformément aux dispositions de la loi sus-évoquée en son article 344: « le fait de soumettre un enfant à des actes de tortures ou de traitements inhumains, cruels ou dégradants, sans que mort s’en suive, est puni de cinq ans (05) à vingt (20) ans de réclusion et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à un million (1 000 000) de francs CFA. Lorsque les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont le fait du père, de la mère ou du tuteur, la peine est la réclusion à perpétuité ».
D’un autre côté, l’article 353 de la même loi dispose : « Est puni de six (06) mois à cinq (05) ans d’emprisonnement et d’une amende de cent cinquante mille (150 000) à cinq cent mille (500 000) francs CFA, quiconque méconnaît, bafoue ou viole les droits de l’enfant reconnus par la présente loi ».
Au regard de cet article du législateur, l’auteur du châtiment corporel sur l’enfant est dans l’œil du cyclone. S’appuyant sur cette disposition du législateur, l’officier de police affirme que s’il était en présence de l’homme qu’il va le tenir en respect. « On devrait mettre en place une loi de non-assistance à personne en danger. Une loi qui sanctionne sévèrement tous ceux qui se permettent de devenir des reporters assassins en filmant des actes de ce genre au lieu d’interrompre ces actes posés par le père », s’offusque Parce que. Selon Pierre Atimba, « Nous devons penser la manière dont nous éduquons nos enfants. Est-ce qu’on forme les parents à devenir parents ? Les sensibilisations doivent tenir compte des caprices que les enfants feront aux parents ». Il ajoute par ailleurs : « Il faut définir des systèmes où quand un parent n’en peut plus parce que fâché à cause d’un comportement de son enfant, qu’il puisse appeler au secours ».
Enock GUIDJIME