Connu sous différentes appellations depuis sa création en 2004, jusqu’à ce jour, le Fonds d’Aide à l’Alphabétisation et à la Promotion des Langues Nationales (FAAPLN) est une structure mise en place par le gouvernement béninois. Ceci en vue de soutenir les actions en faveur de l’alphabétisation et de la promotion des langues que compte le Bénin. Zinsou Marcellin Hounzangbé, enseignant au département de Linguistique à l’Université d’Abomey-Calavi et Directeur Général de ce fonds, nous donne l’occasion de le découvrir. C’est à travers cette interview exclusive !
Educ’Action : Qu’est-ce que le Fonds d’Aide à l’Alphabétisation et à la Promotion des Langues Nationales (FAAPLN)
Zinsou Marcellin HOUNZANGBE : Le Fonds d’Aide à l’Alphabétisation et à la Promotion des Langues Nationales (FAAPLN) est une structure sous tutelle du Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP). Il a été créé en 2004 sous l’appellation Fonds National d’Appui à l’Alphabétisation et à l’Education des Adultes (FNAAEA). Il a changé de nom en 2007 et est devenu le Fonds d’Appui à la Promotion des Langues Nationales et de l’Alphabétisation (FAPLNA). En 2009, il a connu un autre changement de nom pour devenir le Fonds d’Aide à l’Alphabétisation et à l’Education en Langues Nationales (FAAELN). Depuis 2020, il fonctionne sous le nom de Fonds d’Aide à l’Alphabétisation et à la Promotion des Langues Nationales, grâce au décret n° 2020-333 du 1er juillet 2020. C’est une direction qui s’occupe des questions de financement au profit des activités techniques et professionnelles en lien avec l’alphabétisation.
Pourquoi le gouvernement a-t-il jugé utile de mettre en place un fonds pour l’alphabétisation et la promotion des langues nationales ?
Le gouvernement a fait le constat selon lequel la population béninoise est majoritairement analphabète, et c’est cette population qui apporte de la plus-value à l’économie nationale. Alors, pour que le Bénin puisse vraiment avoir un Produit Intérieur Brut (PIB) considérable, les gouvernants ont estimé qu’il faudrait créer des structures capables de répondre aux préoccupations des populations à la base en matière d’alphabétisation. C’est ainsi que la Direction de l’Alphabétisation fut créée suivie de la Direction générale du fonds dont la mission principale est de mobiliser les ressources et de les mettre à la disposition des actions et activités d’alphabétisation et de l’éduction des adultes. Ce faisant, les bénéficiaires à la base profiteront des activités qui sont réalisées à leur profit.
De façon concrète, quels sont les objectifs assignés au FAAPLN ?
Le FAAPLN a pour mission la mobilisation et la mise à disposition des ressources nécessaires au profit de la mise en œuvre de la politique nationale en matière d’alphabétisation, d’éducation des adultes et de promotion des langues nationales. Ce grand objectif est décliné en plusieurs points. Il s’agit pour le fonds, de définir et de mettre en œuvre une stratégie de mobilisation des ressources financières et matérielles au plan national, régional et international en faveur de l’alphabétisation, de l’éducation des adultes et de la promotion des langues nationales. Il est chargé de faire le plaidoyer en vue de l’accroissement des contributions de l’Etat, des collectivités locales, du secteur privé, des organisations de la société civile et des partenaires techniques et financiers en faveur de l’alphabétisation, de l’éducation des adultes et de la promotion des langues nationales. Il doit recueillir et gérer les contributions de l’Etat et des partenaires publics et privés aux fins de financer les activités d’alphabétisation, d’éducation des adultes et de promotion des langues nationales. Il doit aussi mettre en œuvre les approches rationnelles de gestion de ressources mises à disposition conformément aux textes en vigueur ; mettre les fonds à la disposition de toutes les structures opérationnelles dont les activités sont en cohérence avec la politique nationale d’alphabétisation, d’éducation des adultes et de promotion des langues nationales, et éligibles aux procédures du fonds. Tout ceci vise à faire la promotion des langues nationales mais également à permettre aux populations d’utiliser ces langues dans leurs activités quotidiennes en tant qu’outil de professionnalisation et de développement pour accroître leur revenu ou leur chiffre d’affaires.
Il s’agit, par ailleurs, d’alphabétiser nos populations qui n’ont pas eu la chance de mettre les pieds à l’école afin qu’elles sachent lire et écrire, et que ces ressources et compétences acquises leur permettent de renforcer leurs activités.
Aujourd’hui, quelle est la contribution des non-alphabétisés au PIB de notre pays ?
C’est une question assez intéressante en ce sens que la majorité des non-alphabétisés se trouve dans de la population des artisans. Ce sont eux qui contribuent substantiellement au PIB. Et c’est une manne, une opportunité qu’il faut capitaliser. C’est certainement pour cette raison que récemment le 13 juillet dernier, dans le relevé du conseil des ministres, le gouvernement s’est prononcé sur cette corporation en mettant l’accent sur la professionnalisation de leur métier. C’est une invite qui est faite à tous les artisans aux fins de se faire former et de se professionnaliser. Qu’il vous souvienne que dans un passé récent, lorsqu’on était à la recherche de techniciens pour des travaux spécifiques, le manque était criard et il a fallu qu’on fasse recours à de la main d’œuvre et à de l’expertise extérieures. C’est visiblement pour répondre à ce manque de professionnalisme que le gouvernement a estimé qu’il faut focaliser davantage les actions sur la corporation par le biais de la formation professionnelle. Ainsi, ces populations à la base auront des compétences avérées et pourront contribuer davantage au PIB et par ricochet à l’économie nationale. La direction de l’alphabétisation et le fonds sont disponibles pour accompagner les artisans.
Aujourd’hui en termes de bilan, qu’est-ce qu’on peut retenir des actions du FAAPLN pour impacter le sous-secteur?
Le fonds fait un travail assez intéressant en ce sens qu’il finance avec, les ressources mises à sa disposition, quatre activités : la première est intitulée ‘’Appui à la mise en œuvre de la stratégie du faire faire’’. Cette activité consiste à recruter des ONG spécialisées dans le domaine de l’alphabétisation et qui animent les centres d’alphabétisation sur toute l’étendue du territoire, et ceci, sous la supervision technique de la direction de l’alphabétisation. Dès que ces centres sont ouverts, nous, en tant que structure de l’Etat, ayant signé de contrat avec lesdites ONG, effectuons des descentes inopinées pour constater l’effectivité de l’exécution des clauses de contrat. Chaque année, un bilan est fait sur cette activité et les résultats encourageant nous confortent dans notre souci d’enrouler plus d’apprenants pour satisfaire la demande sans cesse croissante. Faut-il le rappeler, les alphabétisés expriment leur satisfaction de savoir non seulement lire et écrire mais également utilisent ces compétences au quotidien, repoussant ainsi les frontières de l’ignorance. De manière brève, les connaissances acquises impactent positivement leurs activités quotidiennes.
La deuxième activité est intitulée la RAMAA : Recherche-action sur la mesure des Apprentissages des bénéficiaires des programmes d’Alphabétisation. C’est une activité soutenue techniquement par l’UNESCO que le fonds accompagne. Elle consiste à traduire dans les langues de la post-alphabétisation des items regroupés en trois rubriques : connaissance sociale, littératie et numératie. Prenons par exemple le mot démocratie, il s’agira, avec l’apport technique des traducteurs ou facilitateurs, des spécialistes en linguistique et des experts, de traduire ce mot dans les langues de post-alphabétisation : en fon, en gun, en yoruba, en ditamari, etc. De la même manière, des situations d’apprentissage (situation-problème, consignes, résultats attendus) sont aussi traduites. C’est le résultat de ces travaux qui sont exploités lors de l’élaboration des ouvrages didactiques en langues nationales et utilisés dans les centres d’alphabétisation.
La troisième activité est : Alphabétisation des praticiens de la médecine traditionnelle dans le département du Zou. Elle est une formation à l’endroit des praticiens de la médecine traditionnelle et dure trois ans. In fine, elle offre la possibilité à ce public d’avoir des compétences en lecture et écriture et leur donne la facilité de mettre sur des supports leurs connaissances en médecine traditionnelle. Ce faisant, il partage leurs connaissances avec leurs pairs et cela peut susciter des partenariats entre la médecine traditionnelle et celle moderne, en vue de nouvelles recherches et découvertes.
La dernière activité est : Alphabétisation des acteurs de la pêche dans les départements du Mono et du Couffo. Elle s’étend sur trois ans et a pour objectif d’aider les bénéficiaires à les rendre plus professionnelles et renforcer leurs chiffres d’affaires. Ce public est en train d’être formé globalement sur les différentes techniques de pêches et les méthodes de gestion du matériel de travail connexe. A la fin de la formation, les bénéficiaires seront en mesure d’exercer correctement leurs activités et feront de bons chiffres d’affaires.
Ce sont les quatre activités que nous menons actuellement. Pour l’année prochaine, nous pensons doubler ces activités pour en avoir huit, avec l’appui substantiel du gouvernement et des PTF.
Qui sont les personnes susceptibles de bénéficier des actions du FAAPLN ?
Les bénéficiaires des appuis du fonds sont les artisans, les groupements de personnes ou des associations exerçant une activité spécifique et nécessitant une formation technique et professionnelle. Les ONG ayant des projets au profit de la couche vulnérable. En dehors de cette catégorie de personnes, ceux qui souhaitent faire des formations à la carte sont pris en compte.
Quel est le mécanisme de financement du fonds ?
C’est simple. Dès qu’un dossier de financement sous forme de projet est déposé au secrétariat du FAAPLN ; un comité, composé des cadres du FAAPLN et de la DAPLN, l’étudie. Dès qu’il le juge pertinent, il est soumis à l’appréciation des membres du conseil d’administration qui l’analyse et y mesure la pertinence avant sa validation pour financement. Après cette étape importante, le fonds procède au financement du projet. Les projets que finance le fonds doivent avoir une envergure nationale. Ils doivent avoir une visée nationale, collective, collégiale, pour recueillir l’avis favorable du fonds.
Malgré qu’il existe depuis des années, le grand public connaît à peine le fonds, pourquoi cette léthargie ?
Je suis moi-même étonné de cette réaction. Je peux dire qu’il y a véritablement un manque de communication autour de l’institution. C’est pour cela que nous avons décidé de rompre avec ce silence. Nous sollicitons l’appui des médias pour nous aider à faire connaître le Fonds, non seulement auprès de la population mais aussi auprès des bailleurs qui sont là, et qui n’attendent que les initiatives à financer.
Le FAAPLN dispose-t-il d’un mécanisme de suivi des projets financés ?
Un suivi des projets financés est fait par trois directions que sont le FAAPLN, la DAPLN et la DIPIQ. Dès qu’un contrat est signé, le bénéficiaire qu’est l’ONG est payé en trois tranches. Avant de verser la première tranche, nous descendons de manière inopinée sur le terrain, dans les centres d’alphabétisation. Lors de cette descente, nous vérifions les termes du contrat en regardant les cahiers de texte et de présence de même que le cahier de visite qui renseignent sur le passage des autorités communales, du préfet, du maire et des élus locaux. C’est au regard de cela, du nombre de cours à exécuter et des autres conditions à remplir que nous payons la première tranche du montant du contrat. Nous faisons la même chose pour les deuxième et troisième tranches. Il faut dire également qu’avant le payement des différentes tranches, les ONG envoient leur rapport d’activités. C’est un outil que la DAPLN utilise pour descendre sur le terrain afin de voir si réellement le contenu du rapport est conforme aux réalités du terrain.
En termes de difficulté, quelles sont celles que connaît votre structure ?
Les difficultés sont à plusieurs niveaux. La première difficulté est d’abord au niveau du circuit administratif où les dossiers doivent subir les procédures de passation des marchés publics. Plusieurs acteurs de la chaîne doivent intervenir sur le dossier pour en juger la pertinence selon ses compétences. Le deuxième niveau de difficulté se trouve au niveau des ONG qui éprouvent des difficultés à réunir les pièces demandées dans le délai requis.
La mobilisation des ressources auprès des structures centrales et des PTF fait partie aussi des difficultés rencontrées.
L’insuffisance des ressources ne permet pas au FAAPLN de couvrir les besoins et les demandes exprimés par les ONG et associations.
Nous passons par ce canal pour demander au gouvernement de faire plus d’effort afin qu’on puisse répondre aux besoins de financement des projets qui sont à notre niveau. Nous voulons également profiter de ce canal pour inviter les PTF à soutenir encore plus le FAAPLN.
Quelles sont vos perspectives pour permettre au fonds de rayonner davantage ?
Nous pensons faire des activités de communication. Parler des activités du fonds et du sous-secteur dans les médias. Dès que nous mènerons beaucoup d’actions de communication, parler des différentes entités qui concourent à la réalisation des activités d’alphabétisation, je pense que le message passera et pourra susciter l’intérêt de ceux qui ont des projets, mais également les bonnes volontés et les PTF.
Quel est votre message à l’endroit de tous les potentiels partenaires du fonds ?
Je voudrais simplement dire que le fonds est une structure bien organisée qui fait de la reddition de comptes tous les ans. Il est mis à sa disposition un commissaire au compte qui vient contrôler annuellement la gestion qui est faite des ressources de l’Etat. Et nous avons un conseil d’administration qui autorise les activités à exécuter. C’est dire que nous avons tout l’arsenal de suivi qu’il faut pour bien gérer les ressources qui sont mises à notre disposition.
Je voudrais dire aux partenaires techniques et financiers et aux bonnes volontés que le fonds a besoin de ressources pour appuyer davantage les activités d’alphabétisation. Dans le souci d’améliorer leur quotidien et leurs activités apprises sur le tas, les populations à la base sont demandeurs de formations techniques, professionnelles et sollicitent le soutien des pouvoirs publics et privés. Lorsque les partenaires techniques et financiers viendront à nous, nous leur donnons la garantie que leurs ressources seront bien gérées et le retour leur sera fait au fur et à mesure qu’ils le souhaitent. Je profite de l’occasion pour remercier sincèrement le ministre Kouaro Yves Chabi pour son soutien constant au FAAPLN et au sous-secteur de l’alphabétisation et le chef de l’Etat Patrice Talon pour son appui en vue de la professionnalisation du sous-secteur.
Propos recueillis par Estelle DJIGRI