Marcel Zounon, à propos de la danse au Bénin : « Un problème se pose en termes de gouvernance »

  • 0
  • 240 views

Pour marquer la célébration de la Journée Internationale de la Danse, la Confédération Béninoise de Danse (CoBeD), a initié, le dimanche 28 avril 2024, au siège de la compagnie Towara, une journée de réflexion sur l’état des lieux et les perspectives de la situation de la danse au Bénin. À l’occasion, Educ’Action a tendu son micro à Marcel Zounon, secrétaire général de la CoBeD. Interview !

Educ’Action : Le 29 avril est consacré à la Journée Internationale de la danse. Qu’est-ce que la Confédération Béninoise de Danse a prévu pour marquer la célébration de cette année ?

Marcel Zounon : Le Bénin doit être dans sa 20e édition de célébration de la Journée Internationale de la Danse. C’est une célébration qui offre l’occasion aux acteurs culturels qui s’intéressent au secteur de la danse, de s’asseoir pour mener des réflexions. Cette année, nous avons décidé de faire un état des lieux de la danse au Bénin et de voir aussi quelles sont les perspectives à envisager. Nous avons compris aujourd’hui qu’il faut sortir des sentiers battus parce que les gens ont tendance à croire que le secteur de la danse est le plus pauvre en intelligentsia. Alors que nous avons beaucoup de cadres qui s’intéressent au secteur de la danse et qui travaillent pour son rayonnement. Nous avons constaté que les artistes étaient venus nombreux à cette rencontre et cela constitue une grande satisfaction pour nous.

Comment se porte alors le secteur de la danse au Bénin ?

En faisant l’état des lieux, nous avons remarqué qu’un problème se pose non seulement en termes de gouvernance, mais aussi au niveau des textes de lois qui régissent le secteur. Il faut aller au-delà des dispositions prévues dans la Constitution béninoise et dans la Charte culturelle du Bénin, en adoptant d’autres lois pour réglementer davantage le secteur. Nous avons convenu que l’État central doit mettre les moyens pour accompagner les acteurs de la danse au Bénin.

Vous avez évoqué dans votre communication, la question de la spécialisation dans la danse. De quoi s’agit-il ?

La danse patrimoniale est catégorisée en danses de réjouissances, en danses rituelles, en danses vodoun, en danse des cours royales, etc. La plupart des groupes de danse que nous avons actuellement pratiquent toutes les danses. Ils font tous pratiquement les mêmes choses alors qu’il est nécessaire pour nous de développer aujourd’hui des créations artistiques. Ce sont les créations artistiques probantes qui vont permettre de régler la question de la maîtrise de la danse patrimoniale et de la spécialisation.

Les danses venues d’ailleurs rivalisent aujourd’hui avec les danses patrimoniales. Pensez-vous que les danses patrimoniales intéressent encore beaucoup de nationaux ?

Les danses patrimoniales conservent toujours leur place en dépit de la floraison des danses venues d’ailleurs. C’est pour cela que nous avions suggéré que l’Etat central joue sa partition. Les Européens qui nous ont amené la danse contemporaine, malgré le contour que cela prend, mettent les moyens. Pourquoi n’allons-nous pas mettre les moyens pour promouvoir nos danses patrimoniales ? Les groupes professionnels travaillent beaucoup aujourd’hui pour la valorisation et la promotion des danses vodoun et cela mérite d’être accompagné parce que le vodoun n’attend généralement qu’un événement annuel ou triennal pour sortir du couvent et se révéler au public. Mais dès lors que cela tombe dans le domaine public, les professionnels de la danse les saisissent en termes de valeurs culturelles, pas cultuelles. Tout ce qui est cultuel reste l’affaire des gardiens du temple, mais les valeurs culturelles qui tombent dans le domaine public sont retravaillées pour permettre au Bénin d’être présent dans le concert des nations.

Est-il possible d’affirmer que les danses patrimoniales du Bénin sont vraiment représentatives au niveau mondial ?

Oui, je peux le dire parce que je fais partie d’une organisation internationale, le Conseil international des organisations de festivals. C’est une organisation qui est en partenariat avec l’UNESCO et qui a, en son sein, plus de 350 festivals répartis dans le monde entier. Partant de cela, je puis vous dire que les danses patrimoniales du Bénin sont très appréciées à l’international et c’est ce qui explique cette floraison d’invitations adressées aux groupes pratiquant la danse patrimoniale pour aller se produire sur des festivals partout dans le monde.

Quels sont les leviers à manœuvrer pour redorer le blason de la danse au Bénin ?

Le premier levier à manœuvrer pour améliorer les choses, c’est au niveau des différents groupes. Tous les groupes ne sont pas au même niveau de performances. Il y a des groupes bons, des moins bons et des groupes médiocres. Donc, la question de la formation et du renforcement des capacités dans tous les domaines de la création artistique, dans tous les domaines de la diffusion et de la promotion se pose. Le deuxième élément, c’est la gouvernance. Puisque les textes de lois reconnaissent que c’est l’État central qui doit promouvoir la culture, il faudrait qu’on active davantage la collaboration publique et privée pour permettre à l’État de financer au moins les groupes qui ont dix ans, vingt ans de pratiques soutenues. Il faut financer ces groupes qui sont comme des écoles de formation. La culture, en tant que grande entité, peut enrichir notre pays. C’est parce que nous ne faisons pas le choix qu’il faut que les choses ne bougent pas encore véritablement. Tout le monde s’accorde que le développement effectif et durable, doit prendre ses racines dans la culture. Mais que faisons-nous pour que cela arrive ? Il faut aussi que l’État central mette en place les espaces de diffusion pour assurer la mobilité des créations artistiques. Une création faite à Natitingou doit pouvoir circuler dans plusieurs départements pour que être viable. C’est en cela que cette création va contribuer à l’épanouissement des acteurs. Ce sont des loisirs sains que portent les créations artistiques et cela contribue au développement de l’économie. Il faut que nos États comprennent la nécessité de nous accompagner en termes de gouvernance, d’infrastructures, d’équipements et de ressources financières pour que le retour sur investissement comme nous avons l’habitude de le dire dans le jargon économique, puisse permettre vraiment de soutenir les actions de développement que nos Etats doivent faire vis-à-vis de la culture.

Propos recueillis par Edouard KATCHIKPE

Prorogation du ProFoP jusqu’en 2027 : La planification stratégique élaborée
Prev Post Prorogation du ProFoP jusqu’en 2027 : La planification stratégique élaborée
Pour assurer la relève de la recherche scientifique à l’Université de Parakou : Les enseignants-chercheurs outillés sur le leadership scientifique
Next Post Pour assurer la relève de la recherche scientifique à l’Université de Parakou : Les enseignants-chercheurs outillés sur le leadership scientifique

Leave a Comment:

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *